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Finance verte, développement durable, transition climatique

Les technologies vertes, un allié essentiel pour atteindre les objectifs climatiques

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Dans quelle mesure la technologie peut-elle contribuer à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, à savoir atteindre la neutralité carbone et limiter le réchauffement climatique ? Le modèle ACCL (« Advanced Climate Change Long-term Model ») d’Alestra et al. (2022) est utilisé pour évaluer différents scénarios d’innovation technologique et de taxation carbone. Seule une stratégie faisant intervenir plusieurs leviers d’action peut permettre d’atteindre ces objectifs climatiques.

Publié le 21/09/2023

Note : Scenario de taxe carbone basse avec une hausse de 1 % par an du prix relatif des combustibles fossiles, une baisse de 3 % par an du prix relatif de l’électricité « propre », une séquestration de 7,6 Gt de CO2 par an et des gains d’efficience énergétique de 1,6 % par an.

Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le progrès technologique doit constituer un élément de la panoplie d’actions pour atteindre l’objectif d’émissions nettes nulles de gaz à effet de serre (GES) et limiter le réchauffement de la planète et le changement climatique. Mais quels types de technologies peuvent nous aider à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, à savoir parvenir à la neutralité carbone ? Et quelles sont les implications économiques d’une telle transition technologique ? Dans un récent document de travail, des simulations réalisées avec le modèle climatique d’Alestra et al. (2022) (modèle ACCL) évaluent différents scénarios d’innovation technologique et de taxation du carbone.

Aucune technologie n’est à elle seule suffisante pour atteindre les objectifs climatiques

Le modèle ACCL est un outil gratuit et disponible sur internet, qui quantifie les effets de chocs technologiques et de chocs sur les prix de l’énergie. Il fournit une simulation approfondie de la dynamique de la productivité globale des facteurs (PGF) et une différenciation des sources d’énergie, en distinguant cinq types d’énergies : quatre étant « sales » en termes d’émissions de CO2 (charbon, pétrole, gaz et électricité « sale ») et une étant« propre » (électricité « propre »).

Le modèle ACCL est utilisé ici pour évaluer la contribution de trois types d’améliorations technologiques visant directement à réduire la quantité de GES : les gains d’efficience énergétique, la diffusion des technologies de captage, stockage et valorisation du CO2 (CCUS - Carbon Capture, Use and Storage) et une baisse du prix relatif de l’énergie « propre ».

Les gains d’efficience énergétique correspondent à une baisse en volume du ratio consommation d’énergie sur produit intérieur brut (PIB). Depuis le premier choc pétrolier, les économies avancées ont réalisé des gains d’efficience énergétique, qui ont atteint 1,6 % par an dans les années 2010 (AIE, 2021). Ces gains proviennent d’innovations visant à réduire la consommation d’énergie, mais aussi de la diffusion de technologies existantes et d’améliorations qualitatives à contenu technologique limité. Dans l’évaluation de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la rénovation des bâtiments existants, par exemple, constitue un levier important des gains d’efficience énergétique (devant les gains dans les transports et l’industrie). La mise en place d’une taxe carbone ou de réglementations des émissions de carbone sont nécessaires pour accélérer les gains d’efficience énergétique.

Les technologies CCUS consistent à capter le CO2 lors de son émission, à l’utiliser dans les processus industriels ou à le stocker dans des espaces naturels. La séquestration naturelle par les puits de carbone (par exemple les forêts) n’en fait pas partie. Les technologies CCUS matures sont utilisées pour capter les émissions de CO2 des sites industriels de grande taille (production d’électricité, d’acier ou de ciment). Technologies onéreuses et à forte intensité énergétique, les CCUS n’ont pas été largement développées, même si elles sont disponibles depuis plusieurs décennies et auraient pu être mises en œuvre depuis longtemps. Les scénarios reposant sur les technologies CCUS dépendent de façon décisive d’une taxation du carbone fournissant les incitations nécessaires à la mise en œuvre de ces technologies.

Outre l’énergie nucléaire, les énergies non émettrices de CO2 comprennent les sources renouvelables telles que l’énergie solaire, l’énergie éolienne, l’énergie hydraulique ou la biomasse. Alors que le coût de l’énergie nucléaire s’est stabilisé au cours des dernières décennies, les technologies renouvelables sont devenues de plus en plus rentables avec le déploiement croissant de nouvelles capacités (IRENA, 2022). En fonction de la source d’énergie renouvelable utilisée, le coût de l’électricité a baissé dans une fourchette comprise entre 48 % (éolien offshore) et 85 % (solaire photovoltaïque à grande échelle) entre 2010 et 2020. Le coût de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables est désormais équivalent à celui des nouvelles capacités de production à partir de combustibles fossiles. Certaines innovations potentielles telles que l’hydrogène renouvelable la biomasse moderne ou l’amélioration des capacités de stockage de l’énergie produite, ainsi que la réorientation des subventions publiques vers une production d’électricité plus propre, pourraient encore améliorer la faisabilité et la viabilité financière des énergies renouvelables à l’avenir.

Le modèle ACCL permet d’explorer différents scénarios. Le scénario de référence est celui d’une taxe carbone basse à l’échelle mondiale (TCB), prévoyant une hausse de 1 % par an (ou de 1,5 % par an) du prix relatif (par rapport au PIB) de chacune des quatre types d’énergie « sale » et un prix relatif stable de l’énergie « propre » sur l’ensemble de la période et dans tous les pays. Ce scénario de taxe carbone « basse », qui conduirait néanmoins à plus qu’un doublement du prix relatif des énergies « sales » d’ici 2100, semble plus réaliste que les scénarios de taxe carbone plus élevée, car nous supposons une mise en œuvre de la taxe dans tous les pays. Le modèle compare ce scénario à d’autres scénarios ajoutant différentes innovations technologiques au scénario d’une taxe carbone basse.

Les simulations réalisées montrent qu’aucun scénario ne faisant intervenir une technologie seule n’est suffisant pour atteindre les objectifs climatiques d’ici 2100 (cf. graphique 1). Les scénarios sans technologies « vertes » s’appuient sur des hypothèses peu réalistes, comme une parfaite coordination internationale de la mise en œuvre immédiate de politiques climatiques très ambitieuses (scénario de taxe carbone élevée), afin de limiter les dommages climatiques grâce à une hausse de la température inférieure à 2 °C. Les scénarios faisant intervenir chacune des technologies « vertes » sans aucune autre ne permettent pas d’atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2100, ce qui implique un réchauffement climatique nettement supérieur à 2 °C.

Combiner toutes les technologies à une taxe carbone permet d’atteindre les objectifs climatiques

Nous examinons ensuite quatre scénarios composites qui combinent le scénario d’une taxe carbone basse avec des progrès technologiques « usuels », ou avec le déploiement d’un ensemble de technologies « vertes », ou avec la combinaison des deux scénarios précédents. L’hypothèse du progrès technologique « usuel » représente un choc technologique qui n’est pas spécifiquement orienté vers les objectifs climatiques, tandis que le mix « vert » est une combinaison des différentes technologies présentées ci-dessus. Les simulations montrent que seul un scénario composite associant les différentes technologies vertes à une hausse réaliste du prix relatif de l’énergie « sale » permet d’atteindre les objectifs climatiques (cf. graphique 2).

Ce résultat est en ligne avec la synthèse du dernier rapport d’évaluation du GIEC, et ce scénario devrait être mis en œuvre immédiatement et être coordonné dans tous les pays (une hypothèse peu réaliste au regard de la situation géopolitique actuelle). Une mise en œuvre tardive ou incomplète signifie que les efforts devront être fortement renforcés dans une deuxième phase pour compenser les GES émis en surcroit de la trajectoire vers un scénario 2°C.

Graphique 2: Hausse de la température d’ici 2100 dans un scénario de taxe carbone basse associé à différents mix technologiques
Graphique 2: Hausse de la température d’ici 2100 dans un scénario de taxe carbone basse associé à différents mix technologiques

Note : Taxe carbone basse (TCB) aboutissant à une hausse du prix relatif des combustibles fossiles de +1% ou +1,5% par an, associée à des progrès technologiques (PT) et/ou un mix de technologies « vertes » (TV).

Par Claire Alestra, Gilbert Cette, Valérie Chouard et Rémy Lecat

Le climat change, la statistique publique européenne s’adapte !

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La Banque Centrale Européenne a publié des indicateurs cherchant à évaluer les conséquences des risques climatiques sur le secteur financier sur la base d’une méthodologie harmonisée et transparente. Si ces indicateurs positionnent la France favorablement vis-à-vis de ses voisins européens, ils présentent encore des limites et doivent être interprétés avec précaution ; les travaux à venir ont vocation à améliorer leur robustesse.

Publié le 15/06/2023

Les données climatiques font face à trois défis : disponibilité, fiabilité et comparabilité (Grisey, 2022). Développer à court terme de nouvelles mesures du risque climatique implique donc de tirer parti des ressources existantes, en attendant les évolutions réglementaires en matière de données climat.

Dans ce contexte, le plan d'action pour le climat de la Banque Centrale Européenne (BCE), adopté en 2021 au terme de sa revue stratégique, fait sa juste part à la production de statistiques. L’élaboration d'indicateurs statistiques liés au climat par un groupe d’experts de l’Eurosystème, publiés pour la première fois en 2023, y fait suite.

Ces indicateurs couvrent notamment les deux canaux principaux par lesquels le changement climatique peut affecter la stabilité financière (Carney, 2015 ; NGFS, 2019) :

(i) Les risques de transition, corollaires de la transition vers une économie bas-carbone (réformes réglementaires, évolutions technologiques…), mesurés par quatre indicateurs d'empreinte carbone des portefeuilles des sociétés financières (SF).

(ii) Les risques physiques, qui se rapportent aux conséquences financières d’évènements climatiques extrêmes (ex : inondations) ou de changements graduels (ex : augmentation de la température moyenne), mesurés par trois indicateurs considérant sept aléas climatiques.

Ces indicateurs permettent de mieux mesurer les risques climatiques pour le secteur financier

Pour les pays de la zone Euro, ces indicateurs reposent sur l’exploitation de données granulaires sur les sociétés non financières (SNF) auxquelles les SF sont exposées, via les prêts qu’elles leur ont accordés ou les titres qu’elles détiennent. Cette approche permet, en estimant l’empreinte carbone ou l’exposition aux aléas climatiques de chaque SNF incluse dans les portefeuilles des institutions financières, d’agréger ces informations pour obtenir des indicateurs ventilés selon différentes dimensions (ex : pays, type de SF).

Les quatre indicateurs de l’empreinte carbone cherchent à :

(i) Mesurer le rôle des SF dans le financement des émissions d’équivalent CO2 (CO2e). C’est le cas des indicateurs émissions financéesintensité carbone, qui mesurent la contribution des investisseurs au financement des émissions des émetteurs, en faisant l’hypothèse que les émissions ou l’intensité carbone d’une entreprise n’ont été possibles qu’à la condition de recevoir un financement d’une SF.

(ii) Évaluer l’exposition des SF au risque de transition. C’est le rôle des indicateurs moyenne pondérée d‘intensité carbone & empreinte carbone, qui mettent la focale sur le portefeuille des SF en s’intéressant à la part du financement des émissions des émetteurs dans l’ensemble de son portefeuille, ce qui inverse la perspective précédente.

En 2020, les banques françaises financent 10,59 millions de tonnes de CO2e par le canal du crédit. Elles sont les quatrièmes plus grosses contributrices de la zone Euro, derrière celles de l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Si en prend on compte l’efficacité carbone des contreparties (intensité carbone), les banques françaises se situent au septième rang. Enfin, si l’on neutralise l’effet taille du bilan (moyenne pondérée d‘intensité carbone, empreinte carbone), les banques françaises sont les quatrième moins contributrices (graphique 1).

Graphique 1 : Indicateurs d’empreinte carbone (Scope 1) des prêts bancaires aux entreprises (2020) Source : Calculs du SEBC basés sur les données d'AnaCredit, Securities Holding Statistics (SHSS), Centre commun de recherche de la Commission Européenne (JRC), Copernicus et Orbis

Trois indicateurs cherchent à mesurer le risque physique :

(i) L’indicateur d’exposition au risque normalisée donne une estimation de l’exposition au risque physique en tenant compte du montant de l’exposition du secteur financier aux SNF, mais aussi de la fréquence/intensité de l’aléa qu’elles supportent et de leur vulnérabilité physique et financière face à celui-ci. Il couvre exclusivement les inondations fluviales, la  submersion marine et les tempêtes.

(ii) L’indicateur d’exposition potentielle au risque donne la part maximum du portefeuille exposé aux aléas précédents mais aussi à l’affaissement des sols, aux feux de forêt, au stress hydrique et aux tremblements de terre. Il ne considère pas leur fréquence ni leur intensité. 

(iii) L’indicateur de cote de risque raffine l’indicateur précédent puisqu’il divise l’exposition en plusieurs classes de risque selon la fréquence des aléas associés (l’intensité n’est toujours pas prise en compte).

En 2020, les SF françaises apparaissent exposées aux risques physiques pour 20% de leur portefeuille, soit 2 912 M€, via les prêts ou titres émis par les SNF. Les SF françaises sont les troisièmes plus exposées de la zone Euro (en volume), mais les quatrièmes moins exposées en pourcentage de leur portefeuille (graphique 2).

Graphique 2 : Indicateurs d’exposition au risque, normalisés par le total des actifs (2020) Source : Calculs du SEBC basés sur les données d'AnaCredit, Securities Holding Statistics (SHSS), Centre commun de recherche de la Commission Européenne (JRC), Copernicus et Orbis

Ces indicateurs doivent néanmoins être utilisés avec une certaine prudence

L’intérêt principal de ces indicateurs est de développer, à partir de la statistique publique, l’analyse des risques financiers liés au climat. En effet, leur publication a été accompagnée d’un rapport détaillé explicitant les différentes méthodologies mises en œuvre et les limites qui s’y attachent.

Parmi les limites communes à l’ensemble des indicateurs, les informations financières (par ex. le chiffre d’affaires) sont parcellaires. Par conséquent, une partie de ces indicateurs est calculée à partir de données imputées, ce qui peut affecter leur précision.

Pour évaluer leur robustesse, nous testons la sensibilité des indicateurs d’empreinte carbone en utilisant des données de l'INSEE sur les entreprises françaises en lieu et place de la base utilisée par la BCE dans la compilation des indicateurs, moins complète mais couvrant tous les pays membres de la zone Euro. Naturellement, les résultats obtenus suggèrent qu’une meilleure couverture de la population des entreprises a un effet non négligeable pour l’indicateur absolu (émissions financées), mais un effet moindre pour les trois autres indicateurs, qui représentent des moyennes.

De plus, les indicateurs d’empreinte carbone ne couvrent qu’une partie du spectre des émissions : celles liées au processus de production (Scope 1) et à la consommation d’énergie (Scope 2), mais pas les émissions indirectes, telles que l'extraction de matériaux achetés par une SNF (Scope 3).

S’agissant des indicateurs du risque physique, leur précision pâtit des incertitudes sur la localisation des actifs et de la non prise en compte de la couverture assurantielle, affectant la répartition du risque entre secteurs financiers et entre juridictions.

D’ici 2024, les travaux se poursuivront afin d’améliorer la robustesse des indicateurs

Le taux de couverture des informations financières ou encore la précision de la localisation des actifs physiques devraient être progressivement améliorés. Les données disponibles au niveau national (ex : en France, la base SIRENE géolocalisée) peuvent venir nourrir l’approche harmonisée, ou proposer des alternatives. L’évolution du cadre réglementaire européen (à la faveur notamment de la directive CSRD) ainsi que les processus de normalisation comptable amélioreront la disponibilité d’informations granulaires, particulièrement s’agissant des émissions.

Par ailleurs, les méthodes d’estimation des émissions des SNF, de calcul des indicateurs (extension des aléas considérés pour le risque physique, intégration du Scope 3 pour l’empreinte carbone), et leur caractère prospectif (trajectoires d'émissions des SNF, projections des aléas extrêmes) seront également étudiés.

Par David Nefzi et et Léopold Gosset

Métaux critiques pour la transition : enjeux macro-financiers

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Plusieurs métaux joueront un rôle critique dans la transition vers une économie décarbonée. Des déséquilibres entre offre et demande croissante de ces métaux pourraient advenir. Afin de les appréhender, Miller et al. (2023) estiment la demande de métaux induite par les scénarios climatiques du NGFS et esquissent des implications potentielles en termes de vulnérabilités macro financières.

Publié le 09/05/2023

Limiter le réchauffement moyen de la planète à 1,5°C (ou moins de 2°C), comme nous y engage l’Accord de Paris signé en 2015, nécessite un déploiement massif et rapide des énergies renouvelables et de technologies associées. Ceci implique par exemple le développement et l’installation de nombreuses centrales solaires photovoltaïques, d’éoliennes, de moteurs de véhicules électriques et de nouveaux réseaux électriques.

Il est bien connu que cette transition bas-carbone entraînera une forte baisse de la demande de ressources fossiles, mais il est moins connu qu’elle générera également une forte hausse de la demande d’un ensemble de métaux et minerais tels que le lithium, le cuivre, le nickel ou le cobalt, que l’on peut qualifier de « métaux critiques à la transition » (MCT). Par exemple, la demande mondiale de lithium (nécessaire notamment aux batteries de voitures électriques) pourrait être multipliée par environ 40 d’ici 2040 (Agence Internationale de l’Énergie, 2021). En France, le « rapport Varin » remis en au gouvernement en janvier 2022 insiste sur l’importance de la sécurisation de l’approvisionnement en MCT.

Dans un article récent, Miller et al. (2023) cherchent à mieux comprendre les déséquilibres potentiels à venir entre offre et demande de MCT. Sur la base de différentes bases de données collectées (concernant l’intensité en MCT de différentes technologies, la distribution géographique de la production et des réserves connues, des estimations de taux de recyclage et de substituabilité, etc.), les auteurs estiment les besoins en MCT induits par les scénarios de transition développés par le Network for Greening the Financial System (NGFS).

Ainsi, comme illustré sur le graphique 1, dans le cadre du scénario « Net Zero d'ici 2050 » du NGFS, la demande annuelle induite pour tous les matériaux ciblés passe de 4,7 millions de tonnes (Mt) en 2021 à 32,8 Mt en 2040 (voir graphique 1), soit une multiplication par 7. Dans le scénario « Transition retardée », la demande totale passe de 1,7 Mt à 42,9 Mt (véhicules électriques compris) et de 0,94 Mt à 32,1 Mt (véhicules électriques non compris) entre 2021 et 2040. Le métal faisant face à la plus forte augmentation de la demande est le cuivre, suivi d’autres MCT tels que le graphite et le nickel.

Des déséquilibres entre offre et demande croissante de métaux critiques pourraient advenir

Ces résultats suggèrent que la demande de certains MCT pourrait vite devenir supérieure à leur disponibilité, sur la base de variables telles que la production existante, les nouveaux projets en cours, les réserves existantes, les taux de recyclage ou encore la substituabilité de chaque métal. Le graphique 2 ci-dessous fournit un exemple pour le lithium. Les déséquilibres entre offre et demande de MCT pourraient être d’autant plus importants que les résultats de Miller et al. (2023) ne prennent en compte que la demande induite par la transition bas-carbone et non par d’autres secteurs et usages également en très forte croissance (par exemple, informatique).

Graphique 2 : Projections (en tonnes) d’offre de lithium vs demande induite par un scénario du NGFS

Graphique 2 : Projections (en tonnes) d’offre de lithium vs demande induite par un scénario du NGFS Source : Miller et al. (2023)

Note : l’offre de lithium projetée sur la base de différentes variables (production actuelle, réserves, nouveaux projets, etc.) pourrait être inférieure à la demande induite par le scénario « Net Zero by 2050 » du NGFS. L’offre secondaire correspond globalement au lithium recyclé.

Ces projections restent bien entendu sujettes à certaines incertitudes. En effet, de nombreux facteurs sont à prendre en compte qui pourraient atténuer ou au contraire exacerber des déséquilibres entre l’offre et la demande de MCT, notamment :

  1. certains métaux, à première vue largement disponibles comme le cuivre (élément très peu substituable et essentiel notamment à l’électrification des transports et de la production d’énergie), connaissent une baisse de leur concentration moyenne dans les gisements existants, ce qui signifie qu’il faut extraire davantage de minerais pour obtenir une quantité donnée (Hache, 2020) ;
  2. des risques géopolitiques pourraient émerger, liés à la concentration géographique très forte des réserves et/ou de la transformation de certaines ressources. Par exemple, un nombre réduit de pays contrôlent l’extraction et le raffinage de nombreux MCT, leur donnant un moyen éventuel pour faire levier sur la situation de dépendance dans laquelle se trouvent des pays importateurs comme ceux de l’Union européenne ;
  3.  les ressources hydriques nécessaires en grande quantité pour l’extraction de ces métaux deviennent souvent plus rares (ou en compétition avec d’autres usages) du fait de leur surexploitation et de sécheresses plus fréquentes causées par le changement climatique.

Les métaux critiques, nouvelle source de risques de transition ?

Ces déséquilibres potentiels entre offre et demande de MCT pourraient être source de vulnérabilités macro financières.

Ils pourraient d’abord générer des disruptions importantes dans les chaînes de valeur mondiales. La forte volatilité observée récemment sur le prix de certaines matières premières pourrait ainsi n’être qu’un aperçu de tensions plus structurelles à venir (Boer et al., 2021). Celles-ci pourraient avoir des impacts particulièrement négatifs pour des économies comme celles de l’UE, qui n’ont de position dominante ni dans l’extraction et le raffinage de ces matières premières, ni dans leur intégration dans les nouvelles technologies de la transition.

In fine, ces impacts pourraient menacer la stabilité des prix et la stabilité financière dont sont garantes les banques centrales et superviseurs financiers. Malgré une prise de conscience récente de l’importance du sujet (ce sujet est par exemple discuté dans la section 1.4 du rapport d’Évaluation des risques du système financier français de juin 2022), la question des MCT devrait davantage être intégrée à l’agenda des travaux sur les risques dits « de transition ». Miller et al. (2023) suggèrent ainsi plusieurs orientations :

  • développer des scénarios pour mieux comprendre les contraintes potentielles qui pourraient peser sur l’offre et la demande de MCT, et ce en intégrant des considérations géopolitiques, physiques, sociales et financières (par exemple, scénario d’insuffisance d’offre sur une MCT du fait de pressions exercées par un pays contrôlant sa chaîne de valeur) ;
  • évaluer les impacts de tels scénarios sur les chaînes de valeur mondiales, afin de mieux comprendre quels États, secteurs et entreprises (et in fine institutions financières) pourraient être particulièrement vulnérables ;
  • étendre l'analyse précédente afin d'évaluer comment cette réorganisation des chaînes de valeur mondiales pourrait affecter la balance des paiements de différents pays, avec des impacts potentiels sur les déséquilibres mondiaux et la soutenabilité de la dette pour certains ;
  • étudier comment ces différentes contraintes pourraient entraîner une augmentation de la volatilité des prix (et des vulnérabilités financières qui en découleraient), y compris sur les marchés dérivés de matières premières, ou des pressions inflationnistes.

Par Stéphane Dees, Simon Dikau, Hugh Miller, Romain Svartzman

Les fonds labélisés sont-ils plus verts ?

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Les fonds labélisés « ISR » (Investissement Socialement Responsable) intègrent des considérations sociales, environnementales et de gouvernance à leur politique d’investissement. Sont-ils vraiment plus « verts » que les fonds non labélisés ? L’analyse des portefeuilles suggère que c’est le cas en moyenne. Mais l’attribution du label n’est pas synonyme d’excellence environnementale pour autant.

Publié le 23/03/2023

La finance verte vise à favoriser la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique, notamment via le fléchage d’investissements vers des activités plus durables et portant moins atteinte à l’environnement. Son essor sur les dix dernières années s’accompagne cependant d’une suspicion de greenwashing, autrement dit, d’une prétention écologique qui ne correspondrait pas à la réalité.

Dans le cas du marché des fonds d’investissement, le label ISR permet de reconnaître les fonds engagés dans une démarche d’investissements « responsables ». L’attribution de ce label par un organisme indépendant dépend en effet de la prise en compte des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) dans la politique d’investissement du fond et dans son cahier des charges (cf. Candus et Le Goff, 2020 ; Jourde et Kone, article à paraître au bulletin de la Banque de France). Ainsi, il est attendu que les fonds labélisés aient une politique d’investissement plus durable que les fonds non labélisés. Et la légitimité du label repose notamment sur sa capacité à répondre à cette attente.

Dans ce contexte, nous nous intéressons ici à la différence d’« intensité carbone » entre les investissements des fonds labélisés ISR et ceux des fonds non labélisés. L’intensité carbone d’un portefeuille permet de déterminer dans quelle mesure un euro investi dans ce portefeuille aboutit à financer des entreprises plus ou moins vertes. Elle correspond à la moyenne pondérée des intensités carbone des entreprises investies (exprimées en tonne d’équivalent en dioxyde de carbone (tCO2eq) par million d’euros de chiffre d’affaire).

L’analyse se concentre sur les portefeuilles en actions des fonds actions de droit français arrêtés au 31 décembre 2021. Cette restriction permet une analyse relativement simple du fait de l’homogénéité des instruments financiers sans pour autant perdre en généralité puisque les fonds actions représentent une masse financière importante (406 Md € fin 2021 cf. Tableau 1), soit 27 % de l’actif net de l’ensemble des fonds non monétaires. Par ailleurs, le portefeuille de cette population est relativement bien couvert par les données d’émission de gaz à effet de serre (GES). Des intensités carbones des entreprises investies sont ainsi disponibles (avec potentiellement une année de décalage) pour 95 % des actions du portefeuille (Base ISS, produite par un fournisseur de données commercialisant des données ESG sur les entreprises). Cette base de données agrège des informations provenant de rapports annuels ou de soutenabilité (pour 47 % des investissements dans la population étudiée), des questionnaires conduits par le Carbon Disclosure Project, organisation internationale à but non lucratif (44% de notre échantillon), et d’estimations faites par le fournisseur de données (8 %).

Tableau 1 : Description de la population étudiée
Tableau 1 : Description de la population étudiée

L’intensité carbone des fonds labélisés est en moyenne inférieure aux non labélisés

La comparaison de l’intensité carbone des portefeuilles actions révèle une différence significative entre les fonds labélisés ISR (identifiés par le référentiel de la Banque de France) et les fonds non labélisés. Les fonds ISR financent des entreprises plus « vertes » en moyenne : l’intensité carbone de leur portefeuille est inférieure de 21 % à celle des fonds non labélisés pour les émissions liées au processus de production (scope 1), et de 14 % pour le périmètre plus large des émissions liées à la production et la consommation d’énergie (scopes 1 et 2) (graphique 1).

Pourtant, la distribution du portefeuille par niveau d’intensité carbone des investissements est très similaire entre les fonds labélisés et les fonds non labélisés (cf. graphique 2, où on lit par exemple que les investissements dont l’intensité carbone est autour de 1 (i.e 10 tCO2eq / M€, étant donnée l’échelle logarithmique décimale utilisée) représentent près de 10 % du portefeuille en actions des fonds labélisés contre 9,2 % pour les fonds non labélisés). C’est surtout à l’extrémité « haute » des investissements les plus polluants que se fait la différence. Si l’on retire les 10 % des investissements les plus polluants – ils représentent un peu plus de 80 % du contenu carbone des investissements – les intensités carbones entre labélisés et non labélisés sont égales. De la même manière, les entreprises liées aux énergies fossiles (Sources: Urgewald’s Global Oil and Gas Exit List (GOGEL) and Global Coal Exit List (GCEL)) sont moins présentes dans le portefeuille des fonds ISR : leur poids est inférieur de 35 % à celui  des fonds non labélisés.

Graphique 2 : distribution des portefeuilles consolidés des fonds labellisés et non labellisés par intensité carbone
Graphique 2 : distribution des portefeuilles consolidés des fonds labellisés et non labellisés par intensité carbone Source : Banque de France, ISS. Note : Les niveaux d’intensité carbone sont représentés en abscisse sur une échelle logarithmique décimale. Portefeuille en actions des fonds actions de droit français, (scope 1, en % du portefeuille).

Le label évince les fonds les moins verts, mais ne garantit pas l’excellence environnementale

Si les fonds labélisés sont en moyenne plus verts que les fonds non labélisés, cela ne signifie pas que le label ISR divise la population des fonds en « verts » et « non-verts ».

En effet, d’un point de vue analytique tout d’abord, la manière dont les fonds labélisés et non labélisés se distribuent en fonction de l’intensité carbone moyenne de leur portefeuille apparaît relativement proche, sans être identique (distribution pondérée par l’encours, cf. graphique 3). Ainsi, un euro pris au hasard dans le capital consolidé des fonds labélisés a 40 % de risque d'être "moins vert" - du point de vue du portefeuille qu'il représente - qu'un euro pris dans le capital des fonds non labélisés.

Ensuite, si l'on se place du point de vue d'un investisseur choisissant un fonds labélisé et un fonds non labélisé au hasard (aléa non pondéré par l'encours), il y a 47 % de risque que le fonds labélisé soit « moins vert » que celui non labélisé. Cependant, le fonds labélisé sélectionné aurait 3 fois moins de risque d'appartenir au décile supérieur des fonds les "moins verts" que le fonds non labélisé. C'est donc à nouveau seulement à l'extrémité haute de la distribution, c'est-à-dire en évinçant les fonds les plus polluants, que la labélisation semble avoir le plus d’effet.

Graphique 3 : distribution des fonds en fonction de l’intensité carbone moyenne de leur portefeuille
Graphique 3 : distribution des fonds en fonction de l’intensité carbone moyenne de leur portefeuille Source : Banque de France, ISS. Note : Portefeuille en actions des fonds actions de droit français, scope 1. Abscisse en échelle logarithmique décimale.

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Les fonds labélisés ISR ne sont donc pas « verts » dans l’absolu, mais ils sont « plus verts » que les fonds non labélisés. Ce résultat est cohérent avec la vocation généraliste d’un label mettant en avant la notion de « responsabilité », mais ne correspond pas nécessairement à la perception du public quant au principe d’une labélisation reconnaissant une forme « d’excellence ».

À la suite de la mission de bilan et d’analyse du label ISR par l’Inspection générale des finances, et la remise d’un rapport en janvier 2021, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance a lancé un processus de rénovation du label en mars 2021. En octobre 2022, le comité du label a présenté des propositions sur les objectifs et les modalités de l’évolution du référentiel (disponibles sur lelabelisr.fr). En synthèse, pour permettre au label de jouer un rôle d’accompagnateur et d’accélérateur vers une économie plus durable, il est proposé d’en renforcer les exigences pour encourager les fonds déjà labélisés à s’engager vers des démarches plus ambitieuses - au risque, sinon, de perdre leur label. Le renforcement de la dimension climat dans le socle du label ISR pourrait passer par des critères d’exclusion des industries du charbon et des énergies fossiles non conventionnelles (telles que le pétrole et le gaz de schiste), ou encore à travers la publication d’une trajectoire de transition pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.

Par Pierre Bui Quang et David Nefzi

Disparités de genre dans les comportements et les conséquences associés au dérèglement climatique

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S’il peut sembler à première vue que le changement climatique touche toute la population de la même manière, des études mettent en évidence des disparités de genre dans les comportements individuels et professionnels à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre, et dans les conséquences du dérèglement climatique.

Publié le 08/03/2023

Note : les émissions par personne au sein d’un ménage sont en moyenne inférieures à celles de l'homme ou de la femme célibataires, principalement parce que les émissions du ménage sont mutualisées entre tous ses membres, y compris les enfants.

 

Les travaux du GIEC ont établi que le dérèglement climatique représentait une menace majeure. S’il peut sembler à première vue que ce phénomène touche toute la population de la même manière, des études mettent en évidence des disparités de genre non seulement dans les comportements à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre (GES), mais aussi dans les effets associés au dérèglement climatique.

Hétérogénéité de genre dans les émissions de gaz à effet de serre agrégées   

Un premier angle d’interaction entre genre et climat est celui des disparités de comportements à l’origine d’émissions de CO2. Les différences de modes de transport, de régime alimentaire, ou de types de loisirs ont des conséquences en termes d’émission, et le genre fait partie des variables susceptibles de différencier les choix des individus en la matière.

Les méthodes d'estimation des émissions de GES fondées sur la consommation permettent d’allouer au consommateur final plutôt qu’au producteur les émissions liées au cycle de fabrication de produits ou services. Cette approche permet notamment de dépasser la perspective strictement territoriale des émissions de gaz à effet de serre, pour analyser plus finement les hétérogénéités dans les comportements à l’origine des plus fortes émissions de CO2.

Le graphique 1 (Carlsson-Kanyama et al., 2021)  illustre une forme d’hétérogénéité dans les émissions liées à la consommation de trois types de ménages dans la population suédoise : la personne moyenne (au sein d’un ménage ou célibataire), l'homme célibataire moyen et la femme célibataire moyenne. Abstraction faite de tout autre critère, alors que le volume total de dépenses d’un homme célibataire est d’à peine 2 % plus élevé que celui d’une femme célibataire, les postes de consommation des hommes sont à l’origine de 16 % de plus de GES en moyenne. Les femmes célibataires consomment ainsi davantage de produits et services à faible empreinte environnementale, tandis que les hommes célibataires dépensent davantage (70 % de plus) pour des biens et services à forte intensité de GES, notamment le carburant.

Cette approche fondée sur le critère du genre ne signifie pas qu’hommes et femmes constituent des groupes homogènes, ou que cette variable explique l’ensemble des disparités observées. Pour autant, les recherches citées ci-dessus relatives au cas de la Suède rejoignent  les conclusions d’autres analyses  plus largement,  au sein de l’Union européenne (Räty et al., 2010), ou sur le périmètre des pays de l’OCDE (OCDE, 2021). Ces travaux montrent que le genre est un déterminant pertinent parmi d’autres variables explicatives telles que le lieu de résidence, l’âge, ou encore l’état de santé, mais que le niveau de revenu joue un rôle souvent plus important pour expliquer les disparités d’émissions au sein d’une population.

Des comportements environnementaux différenciés au plan individuel et dans le contexte professionnel

Au sein même des postes de dépense (par exemple, l’alimentation), les disparités exposées reposent sur des différences de consommation individuelle, telles que le comportement alimentaire. Des travaux ont établi le fait qu’une alimentation moins carnée engendre une plus faible quantité d’émissions. Or, le choix du régime alimentaire présente une corrélation avec le critère du genre : ainsi, en France, en 2020, 2,2 % de la population déclarait adopter un régime sans viande, et 24 % se considère flexitarienne (i.e. limite sa consommation de viande sans la supprimer totalement). Parmi ces catégories, les femmes représentent 67 % des personnes végétariennes et 65 % des flexitariennes (IFOP, 2021).

Certains travaux ont également montré que les femmes occupant des postes de direction en entreprise sont plus susceptibles de mener leur société vers des stratégies plus durables. Ainsi, les recherches existantes avancent que les femmes font preuve d'une plus forte propension à protéger l'environnement, et d'une plus grande attention pour la dimension RSE de l'entreprise (Liu, 2018). Des travaux constatent également l’effet bénéfique de la diversité de genre au sein des conseils d'administration sur la consommation d'énergie renouvelable (Atif et al., 2021), et pour les banques sur l’octroi de prêts en faveur d’entreprises moins polluantes (Gambacorta et al., 2022).

Vulnérabilité exacerbée aux risques physiques provoqués par le dérèglement climatique

Si les travaux cités plus haut permettent d’identifier certaines hétérogénéités entre hommes et femmes dans les comportements contribuant aux émissions de GES, d’autres études soulignent des disparités de genre dans la vulnérabilité aux effets du dérèglement climatique. Le GIEC a ainsi établi que ces effets sont particulièrement sévères pour les groupes de population les plus pauvres, qui dépendent davantage des ressources naturelles pour leur subsistance et disposent d’une moins grande capacité d’adaptation aux événements climatiques extrêmes (GIEC, 2014). Or, selon les Nations Unies, les catégories de population les plus pauvres sont majoritairement concentrées dans des zones où les risques climatiques sont particulièrement sévères. Dans ces populations, les femmes ont généralement un accès moindre à la terre, à l’éducation, à l’information et aux ressources financières. La conjonction de ces facteurs de vulnérabilité physiques propres aux populations les plus pauvres, et de facteurs socio-économiques propres aux femmes dans ces populations, engendre une exposition relativement plus élevée des femmes aux effets du changement climatique par rapport à la population globale (Nations Unies, 2022). 

La répartition géographique mondiale des personnes en situation d’extrême pauvreté n’est pas la seule origine des conséquences différenciées du dérèglement climatique sur les hommes et les femmes ; elles reposent également sur les disparités de rôles et responsabilités au sein des ménages et des communautés. Le tsunami survenu en 2004 au Sri Lanka a illustré la manière dont les catastrophes naturelles peuvent interagir avec ces tendances structurelles : 70 % des victimes étaient des femmes, ce que des travaux expliquent notamment par le fait qu'elles ont été plus nombreuses à avoir fait passer la sécurité des membres de leur famille avant la leur, et qu'elles étaient souvent plus vulnérables et moins au fait des moyens de se protéger (Rahiem et al, 2021). Selon les Nations Unies, l’ouragan Katrina qui frappa les États-Unis en 2005 causa également davantage de décès parmi les femmes que les hommes (Nations Unies, 2016). De même, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes engendre des phénomènes de déplacement de population, parmi lesquels les femmes sont là aussi surreprésentées, à hauteur de 80 % de la population totale déplacée (Nations Unies, 2022).

L’enjeu de cette analyse est de souligner le rôle que peut jouer le genre, parmi d’autres critères tels que le revenu ou l’implantation géographique, dans les analyses liées à l’environnement. Les politiques publiques nationales et les cadres d’action internationaux pourraient gagner à tenir compte des interactions entre genre et environnement pour renforcer leur efficacité, et leur articulation avec les objectifs de justice climatique. 

Par Oriane Wegner

Les sustainability-linked bonds, un outil efficace de décarbonation ?

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Les Sustainability-linked bonds (SLB) ont un format innovant permettant de lier le taux d’intérêt d’une dette à l’atteinte d‘objectifs environnementaux, sociaux ou de gouvernance. Beaucoup de SLB comportent aujourd’hui des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce mécanisme doit néanmoins contraindre davantage les émetteurs pour devenir un véritable outil de décarbonation.

Publié le 18/11/2022

Les SLB, un instrument en plein essor

Les Sustainability-linked bonds (SLB) sont des titres obligataires assortis d’une contrainte environnementale, sociale ou de gouvernance (ESG) pour l’émetteur. À l’émission, celui-ci se fixe un (des) objectif(s) ESG, dont l’atteinte est vérifiée à une date précise, grâce à des indicateurs, également fixés par l’émetteur. Atteindre ou manquer l’objectif modifie les caractéristiques du titre. Lorsqu’un coupon step-up est défini à l’émission, le coupon variera à la hausse en cas de manquement, et restera inchangé en cas d’atteinte de l’objectif. Lorsqu’un coupon step-down est défini, le coupon variera à la baisse en cas d’atteinte, et ne variera pas en cas d’échec. Plus rarement, le mécanisme SLB peut combiner un step-up et un step-down, ou consister en un versement d’une prime aux investisseurs à la maturité de l’obligation en cas de manquement de l’objectif.

Les SLB connaissent une croissance importante sur les marchés obligataires ESG européens depuis leur apparition fin 2019 (cf. graphique 2), bénéficiant d’un effet de rattrapage par rapport aux obligations vertes.

Graphique 2 : Volumes de SLB émis en milliards d’euros (Trimestre 1)
Graphique 2 : Volumes de SLB émis en milliards d’euros (Trimestre 1) Source : Bloomberg

Depuis le 1er janvier 2021, les SLB environnementaux sont éligibles en tant que collatéral auprès de l’Eurosystème ainsi qu’au programme d’achat d’obligations émises par les entreprises (Corporate sector purchase programme - CSPP). Cette décision a permis à l’Eurosystème de marquer son soutien aux innovations en matière de finance durable.

Les émetteurs de SLB, principalement des entreprises, lient engagements financiers et ESG

Les entreprises non-financières sont les principales entités émettrices de SLB, qui leur permettent d’accéder à une base d’investisseurs spécialisés à l’origine d’une importante demande. Depuis janvier 2020, 90 % des SLB, en montant, ont été émis par des entreprises.

Parmi les entreprises émettrices de SLB, le secteur des Utilities (production et distribution d’eau, de gaz et d’électricité) est le plus représenté, comptabilisant 21% des émissions depuis 2020. Une diversification est néanmoins observée, avec une forte croissance des émissions SLB dans des secteurs comme les télécommunications, l’agro-alimentaire et la santé.

Au sein des marchés ESG, le format SLB représente une alternative intéressante aux obligations vertes (Descombes, Kergadallan et Le, 2022) pour les émetteurs. Il permet de financer tout type d’investissement, en prenant des engagements ESG au niveau de l’émetteur ou de son groupe, alors que les obligations vertes sont strictement allouées au financement d’actifs « verts ». De ce fait, les SLB permettent à des émetteurs ne disposant pas d’actifs « verts » à financer d’émettre de la dette ESG. Ces deux formats de titres sont complémentaires et certains titres combinent les deux, en liant leur coupon à une cible tout en allouant leurs fonds à des actifs « verts ».

Une grande majorité des SLB émis par des entreprises non-financières ont des cibles environnementales, et spécifiquement liées aux émissions de gaz à effets de serre (GES). Au 19 août 2022, 88% des SLB environnementaux éligibles en tant que collatéral auprès de l’Eurosystème avaient une cible de réduction de GES (cf. graphique 3), en légère majorité sur un périmètre étroit (cf. paragraphe suivant).

Graphique 3 : Cibles des SLB éligibles (en nombre)

 

Graphique 3 : Cibles des SLB éligibles (en nombre) Source : Documentation financière des SLB Note : Le scope 1-2 concerne les émissions de gaz à effet de serre directes de l’émetteur. Le scope 3 représente ses émissions indirectes.

Les SLB permettent-ils réellement d’améliorer la performance climatique des entreprises ?

Les acteurs économiques doivent s’adapter au changement climatique, ce qui se traduit par un engagement de décarbonation de leurs activités. Au regard de cet impératif, la performance climatique des entreprises peut se définir par leur volume d’émissions de GES, et/ou par leur engagement dans une trajectoire de diminution de ces émissions. Les émissions sont distinguées par champ d’application (ou scopes) : le scope 1 concerne les émissions directes d’une entreprise provenant de sources qu’elle détient ou contrôle. Le scope 2 désigne les émissions résultant de l’utilisation d’électricité, de chaleur ou de vapeur par une entreprise. Le scope 3 concerne les autres émissions indirectes, en amont ou en aval du cycle de production. Les activités économiques ne sont pas affectées de la même manière par ce besoin d’adaptation et certains secteurs doivent engager des efforts importants pour y parvenir. L’absence d’adaptation génère un risque financier à terme (Boissinot, Clerc et Dees, 2021).

Face à ce besoin, le mécanisme SLB à cible environnementale signale l’engagement de l’émetteur à réduire ses émissions de GES, en y associant des conséquences financières. Cependant, la pertinence et l’ambition des cibles sont difficiles à évaluer et le niveau de pénalité financière en cas de non atteinte des objectifs reste, en général, bas. Les émissions de GES indirectes (scope 3) sont par exemple parfois absentes dans les cibles climatiques d’émetteurs de SLB appartenant à des secteurs où ce niveau d’émission est élevé. De plus, le niveau de step-up des SLB (i.e. de prime à verser aux investisseurs en cas de manquement de la cible) le plus répandu se situe en moyenne à 25 points de base (0,25 %), contre 125 points de base (1,25 %) pour un step-up lié à la variation de la notation de crédit de l’émetteur, courant dans le marché. Enfin, les éventuelles clauses de remboursement anticipé affaiblissent la contrainte du mécanisme (Kölbel et Lambillon, 2022).

Dans ce contexte, les marchés ESG ne traitent pas les titres SLB de façon homogène. La majorité des SLB ne semble pas bénéficier d’une prime significative (équivalente à un greenium pour les obligations vertes) par rapport aux titres obligataires classiques (Mirova 2022). Des émissions SLB avec un niveau de step-up ou de step-down plus élevé semblent néanmoins bénéficier d’une prime de la part des investisseurs (Kölbel et Lambillon, 2022). Les SLB prennent des formes variées et parfois complexes à valoriser sur les marchés, car ils résultent de choix propres à chaque émetteur.

En réponse à ces limites, l’International Capital Market Association (ICMA) a récemment répertorié 300 cibles ESG standardisées pour les SLB, par secteur d’activité. L’ICMA fournit des références permettant aux émetteurs de calibrer leurs cibles et recommande d’adopter, pour la plupart des secteurs, des cibles fondées sur les émissions scope 1, 2 et 3. Par ailleurs, la Commission européenne a annoncé en juillet 2021 son projet d’élaborer un label pour les titres SLB. Ces initiatives sont susceptibles de consolider à terme les émissions sous le format SLB et d’améliorer l’évaluation de la pertinence des cibles.

Pour les secteurs les plus polluants, le projet européen d’atteinte de la neutralité carbone en 2050 crée des mécanismes de décarbonation plus efficaces , notamment avec les quotas d’émissions et les marchés du carbone auxquels sont soumis un nombre croissants d’acteurs. Dans ce contexte, le choix d’un format SLB est une marque d’engagement supplémentaire des entreprises vers la transition.

Par Pauline Bacos et Naelle Verniest

Climat et multilatéralisme : l’option d’un prix plancher du carbone

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L’analyse des résultats de récentes simulations du FMI montre que la proposition novatrice d’un prix plancher du carbone laisse ouverte la question de la répartition de l’effort entre pays et des fuites de carbone. Dès lors, des pistes complémentaires pourraient être approfondies, notamment l’articulation avec une taxe carbone aux frontières, ainsi que l’équivalence prix-carbone des mesures réglementaires.

Publié le 19/10/2022

Source : Banque Mondiale. Part des émissions mondiales annuelles de CO2 couvertes par des dispositifs de tarification carbone à l’échelle régionale ou nationale avec le prix explicite par tonne d’équivalent CO2 des principaux dispositifs au 1er avril 2022. SEQE = système d’échange de quotas d’émissions.

 

Pour limiter le réchauffement climatique à 2°C, le prix mondial du carbone devrait se situer entre 50 et 100 $/tonne d'ici 2030 (FMI, 2022). Or, plus de 3/4 des émissions ne sont actuellement pas tarifées et le prix mondial moyen de la tonne de carbone est estimé à 3$ par le FMI.

Par conséquent, des discussions sont en cours dans les enceintes multilatérales (G7, G20) pour étendre la couverture géographique et sectorielle de la tarification carbone. Un accord international sur une taxe carbone globale et uniforme est hautement improbable, notamment en raison du principe de responsabilités communes mais différenciées (PRCD) inscrit au sein des conventions internationales de droit de l’environnement qui exige des pays avancés une plus forte contribution à l’effort climatique. La présidence allemande du G7 défend l’idée d’un club climat (sans la pénalisation des non-membres proposée par Nordhaus), partant d’un groupe initial de pays partageant une ambition climatique similaire, qui s’élargirait au fil du temps. L’Union Européenne (UE), avec son marché carbone étendu hors de ses frontières (Norvège par exemple), est déjà une sorte de club climat.

La proposition du FMI d’un prix plancher international du carbone (PPIC) s’ajoute à ces initiatives. En faire la synthèse, revient à répondre à trois problématiques majeures : la répartition de l’effort entre pays avancés et émergents ; les fuites de carbone ; l’articulation entre les mesures prix et non-prix.

Équité de la répartition des efforts

Le PPIC propose d’instaurer des prix planchers du carbone qui n’empêchent pas les pays d’aller au-delà s’ils le souhaitent. Ces prix planchers du carbone varient selon le niveau de développement économique des participants (25-50-75 $/tCO2eq) pour, respectivement, les pays à bas revenu, les pays à revenu intermédiaire et les pays avancés.

Cette différenciation vise à rendre la mesure conforme au PRCD et rallier les pays émergents. Ce ralliement est en effet indispensable : l’action des seuls pays avancés ne suffit pas à établir une trajectoire d’émissions compatible avec l’Accord de Paris. Selon Global Carbon Project, les émissions territoriales de l’UE ont représenté environ 8% des émissions mondiales liées aux énergies fossiles en 2021, contre 30% pour la Chine. De plus, les pays qui n’appliquent pas de prix du carbone ne tireraient pas d’avantage économique de leur inaction en raison d’effets négatifs indirects (baisse des exportations vers les pays avancés appliquant une compensation carbone à la frontière), l’Inde étant le seul grand pays émergent pour lequel les bénéfices l’emporteraient sur la baisse de ces débouchés (Bellora et Fontagné, 2022-a).

Ce mécanisme présente toutefois trois difficultés :

     - L’effort serait porté essentiellement par les pays émergents (Chine, Inde, Russie, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Turquie), dont les Contributions Déterminées au niveau National (CDNs) correspondent actuellement à un prix implicite du carbone très inférieur au prix plancher envisagé. A l’inverse le prix plancher de 75$ est inférieur au prix du carbone correspondant aux CDNs de la plupart des pays avancés.  

     - Les différences de prix du carbone entre pays de niveaux de développement différents induiraient des fuites de carbone aux dépens des pays les plus ambitieux.

     - La décarbonation pouvant se faire grâce à un prix du carbone, mais aussi à des réglementations et/ou subventions, la question des modalités de prise en compte du prix implicite des mesures hors prix se poserait.

Fuites de carbone et mécanisme d’ajustement

La différenciation des prix plancher du carbone induit un risque de fuites de carbone.  Notamment, les industries fortement émettrices de CO2eq, pénalisées par le prix carbone, ont tendance à se déplacer vers des pays où le prix (ou les contraintes en matière d'émissions) sont moins strictes. Cela réduit ou annule donc l'effort de réduction des émissions prévu au niveau mondial. Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) proposé par l’UE vise à contrer ce risque (Cezar, Grieco, 2021).

Pour le FMI, les inconvénients d’un MACF l'emporteraient toutefois sur ses avantages, notamment en raison des incertitudes sur sa viabilité juridique et pratique et de son absence d’impact sur les émissions globales de GES.

Cependant, ces réserves doivent être relativisées :

     - Le MACF européen ne vise pas à réduire les émissions mondiales. Il a pour objet de limiter les fuites de carbone très élevées associées à l’ambition du paquet législatif Fit for 55 de l’UE, qui a bien lui pour objet de réduire les émissions européennes (Bellec, Bouthevillain, 2022).

     - Le FMI, qui avance un taux de fuite de carbone dans la fourchette basse de la littérature (6,5 %), pourrait sous-estimer ce risque et, par conséquent, l'intérêt du MACF. Ce taux dépend fortement de la taille de la coalition (plus le nombre de pays coopérant en matière de climat est faible, plus le risque de fuites de carbone est élevé)  et du respect ou non de leur CDNs par les différents pays. Dans le scénario PPIC du FMI (Chateau et al., 2022), les pays ont ainsi un prix carbone équivalent au maximum du prix plancher du carbone et du prix du carbone implicite dans leur CDN de novembre 2021. Par exemple, pour l'UE, si l'on prend en compte l'impact du fit for 55, le taux de fuite de carbone serait d’au moins 31%, sous l’hypothèse que seuls les pays disposant d’un marché du carbone au niveau national respecteraient leurs engagements (Fontagné, Bellora, 2022-b).

     - Enfin, le FMI n’évalue pas les fuites de carbone qui pourraient advenir entre les participants au PPIC, du fait de la différentiation des prix planchers. En ce sens, le MACF de l’UE demeurerait pertinent même en cas d’application du PPIC.

Équivalence prix-carbone des mesures réglementaires

Le PPIC agrège instruments prix et réglementaires des politiques de transition nationales dans un prix total implicite du carbone. Sont incluses des mesures alternatives à la tarification « explicite », comme la réglementation, les subventions et les investissements climatiques.

Ces mesures ont le double avantage de bénéficier d’une plus grande acceptabilité politique et d’être complémentaires : la taxe carbone est plus efficace en termes de réductions de CO2, mais ses effets négatifs sur la croissance peuvent être amortis par d’autres instruments comme des subventions. Dès lors, il devient essentiel de pouvoir comparer ces différentes politiques en termes de coûts/avantages/efficacité. L'OCDE et le FMI ont entrepris des travaux dans ce sens.

Les récentes discussions internationales pointent vers des solutions alternatives ou complémentaires :

     - Alors que le PPIC vise l’économie dans son ensemble, les travaux pourraient s’orienter vers des approches sectorielles, comme envisagé par le FMI dans son scénario de solution coopérative a minima avec un prix du carbone restreint aux secteurs à forte intensité carbone pour les pays émergents.

     - La coopération internationale pourrait aussi se concentrer plutôt sur les résultats (réduction des émissions), que sur les politiques mises en œuvre pour y parvenir, même si cette approche ayant inspiré l’Accord de Paris n’a pas encore démontré son efficacité jusqu’ici.

Au-delà, se pose la question de l’utilisation des revenus de la taxation du carbone pour accompagner financièrement les efforts des pays émergents, dans lesquels l’efficacité à la marge d’un euro investi en décarbonation est très élevée. Ces politiques pourraient être financées par la redistribution des revenus fiscaux carbone ou des recettes des MACF des pays avancés. Plus généralement, les transferts financiers et technologiques internationaux doivent être encouragés.

Par Lionel Fontagné, Fabio Grieco, Pierre-François Weber

Les défis de la modélisation du climat pour les banques centrales

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La modélisation occupe une place importante dans le plan d’action de l’Eurosystème sur le changement climatique. L’analyse macroéconomique et la préparation des décisions de politique monétaire reposent en effet sur des travaux quantitatifs où les modèles jouent un rôle central.

Publié le 16/06/2022

Changement climatique et enjeux en termes de modélisation

Dans le cadre de sa revue stratégique de politique monétaire, le Conseil des gouverneurs de la BCE s'est fermement engagé à intégrer davantage les considérations relatives au changement climatique dans son cadre de politique monétaire. Le développement de nouveaux modèles permettra de mieux suivre les implications économiques et financières du changement climatique et des politiques de transition, et  leur impact sur la transmission de la politique monétaire (cf. BCE (2021)).

Il est en effet impératif que les banques centrales approfondissent leur compréhension des effets du changement climatique sur les prix comme sur la croissance, à la fois sur le cycle économique et sur des horizons temporels beaucoup plus longs.

Un plan d’action concret pour les projections macroéconomiques

L’Eurosystème s’est en particulier penché sur le cas des prévisions macroéconomiques à l’horizon de 3 ans, produites chaque trimestre et souvent décisives pour la prise de décision monétaire. Les trajectoires de PIB et d’inflation sont au cœur de ces exercices, qui vont dans un assez grand degré de détail (consommation, investissement, chômage ; inflation totale versus hors énergie et alimentation ; etc.) ainsi qu’une évaluation du potentiel de croissance à 10 ans. Malgré l’horizon relativement court des projections, ignorer les conséquences du changement climatique serait une erreur. La montée en charge des politiques de transition ou l’augmentation de la fréquence des évènements climatiques extrêmes peuvent en effet affecter la trajectoire de l’économie européenne sur les 3 ou 4 prochaines années, en particulier si ces politiques affectent par ailleurs le PIB potentiel de long terme.

Les effets macroéconomiques de certaines politiques de transition, par exemple la mise en place d’un prix du carbone, de subventions à l’investissement privé ou de dépenses publiques figurant dans les plans budgétaires des États, sont déjà couvertes par les projections.

En revanche, les changements en termes de réglementation ou de comportements sont plus difficiles à évaluer. Concernant les évènements climatiques extrêmes, non prédictibles par nature, il s’agit plutôt de se doter des moyens de les analyser quand ils surviennent. Enfin, déterminer si les risques physiques de long terme, comme la hausse des températures, induisent des changements structurels significatifs à l’horizon de 3 ans reste une question ouverte.

L’Eurosytème a engagé 5 actions visant à améliorer la prise en compte du changement climatique dans les projections :

  • mieux évaluer les effets sur les prix le long des chaines de production du système de quotas EU-Emissions Trading System (EU-ETS), l’outil-clé pour la gestion de la réduction des émissions de dioxyde de carbone ; 
  • évaluer l’impact spécifique des politiques climatiques sur le PIB et l’inflation, par exemple les investissement inclus dans les cadre de plan NGEU ;
  • renforcer les outils de projection des prix de l’énergie en Europe, en ayant une meilleure description de la formation de ces prix sur les marchés de gros et leur transmission aux consommateurs finaux ;
  • examiner les conséquences des risques physiques et des politiques de transition sur les tendances longues, notamment sur la tendance de productivité et l’accumulation du capital ;
  • analyser les risques autour de la projection centrale aussi bien les risques d’évènements climatiques extrêmes, à la probabilité faible mais aux conséquences importantes, que les aléas liés au déploiement des politiques de transition.

Quelle stratégie de développement des modèles de banques centrales ?

L’Eurosystème a pour objectif de développer des outils pour la prise en compte des questions climatiques dans les projections, mais aussi plus globalement pour l’analyse de scenarios.

S’il existe déjà un certain nombre de modèles quantitatifs, connus sous le nom de modèles d'évaluation intégrée (IAM) qui lient système climatique et évolutions économiques, ces modèles ont des représentations très simplifiées de l'économie, la plupart des canaux de transmission étant absents, et les rétroactions entre climat et macroéconomie restant limitées. De plus, ces modèles ont tendance à modéliser indépendamment les canaux de risque physique et de transition et ne rendent pas compte des implications macroéconomiques sur l’inflation, des composantes du PIB ou de l’emploi, variables nécessaires à l’analyse des banques centrales.

Certaines banques centrales (dont la Banque de France) et institutions financières ont commencé à développer des outils pour mieux comprendre les effets macroéconomiques des risques climatiques (dans le cadre, par exemple, du Network for Greening the Financial System (NGFS)). À court terme, la stratégie pour intégrer les relations entre modèles climatiques et modèles macroéconomiques est celle de la « suite de modèles » qui permet de traduire des scénarios climatiques obtenus à partir de modèles climatiques, de type IAMs, en variables macroéconomiques, sectorielles et financières (voir, par exemple, Allen et al., 2020).

 À plus long-terme, les risques liés au climat doivent également être inclus dans les modèles au cœur de l’analyse des banques centrales afin de tenir compte de leurs interactions avec d'autres risques plus classiques à l'horizon habituel de la politique monétaire. Ceci implique une modification des principaux modèles de référence, notamment les modèles semi-structurels, au cœur des exercices de prévision et de simulation de scenarios alternatifs aux mêmes horizons, et certains modèles d'équilibre général dynamiques et stochastiques (DSGE). Dans tous les cas, pour mieux refléter les risques liés au climat, les modèles de banques centrales devront progressivement être dotés de nouveaux mécanismes qui pourraient devenir clés. Outre la prise en compte des instruments spécifiques à l'atténuation du changement climatique (comme par exemple les quotas d’émission du carbone), il faudra approfondir l'examen de l'impact du secteur énergétique sur la dynamique économique, y compris sur le commerce international, la valorisation de certains actifs financiers et si possible de nouveaux canaux macro-financiers internationaux. Au-delà de l'horizon de la politique monétaire, il est important d'évaluer l'impact du risque climatique sur la croissance potentielle et ses conséquences pour la stabilité des prix.

Par Stéphane Dees, Jean-François Ouvrard et Pierre-François Weber

Améliorer l’occupation des sols et l’assurance pour limiter les catastrophes naturelles

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Au cours des dernières décennies, l’augmentation des coûts liés aux catastrophes naturelles a été largement imputable à l’urbanisation dans les zones exposées, phénomène que des restrictions d’usage des sols et les polices d’assurance peuvent limiter. Des politiques simples et fréquemment observées, basées sur la délimitation d’une zone rouge interdisant toute construction et d’une zone sans différenciation tarifaire de l’assurance, s’avèrent relativement efficaces. La redéfinition des zones rouges pour refléter le changement climatique ou la pression démographique est un enjeu majeur.

Publié le 10/06/2022

L’urbanisation dans les zones exposées et les solutions fournies par les politiques d’aménagement du territoire et d’assurance

Le coût économique global des catastrophes naturelles a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, atteignant 190 milliards de dollars en 2020, contre 1,3 milliard de dollars (2020) en 1970 (Sigma, 2021). Outre le poids croissant du changement climatique, cette tendance s’explique dans une large mesure par l’augmentation du nombre de personnes et d’entreprises dans les zones exposées et de la valeur de leurs actifs (Hallegatte, 2012). En Floride, en 2012, 80 % (2 900 milliards de dollars) des actifs assurés étaient situés près des côtes. En Chine, en 2004, 8 % du territoire à proximité ou en aval des sept principaux fleuves concentrait 50 % de la population et les deux tiers de la production agricole et industrielle du pays.

Cette urbanisation croissante dans les zones exposées résulte en partie des aménités liées au risque : les rives sont attrayantes. Des biais de perception, comme la sous-estimation des risques ou le défaut de mémoire des événements passés, entrent en jeu. Les autorités publiques locales peuvent également s’abstenir de communiquer sur les risques réels par crainte d’une influence défavorable sur l’attractivité du site ou sur la valeur des actifs immobiliers. Les incitations économiques jouent un rôle important : le fait pour les ménages s’installant dans des zones exposées de ne pas avoir à en supporter l’intégralité du coût du risque favorise également l’urbanisation. Comme notre article (Grislain-Letrémy et Villeneuve, 2019), ce billet de blog porte principalement sur ce type de comportement de passager clandestin (free-riding). Nous limitons notre analyse aux pertes matérielles liées à ces catastrophes.

Les solutions pour maîtriser l’urbanisation dans les zones exposées combinent politiques publiques d’aménagement du territoire et politiques publiques d’assurance. Les politiques d’aménagement du territoire entraînent parfois une action forte comme, par exemple, l’acquisition par l’Agence fédérale américaine de gestion des urgences de près de 4 500 maisons en zone inondable dans le Missouri après la grande inondation de 1993. Les politiques publiques d’assurance peuvent également limiter le comportement de passager clandestin en obligeant les ménages et les entreprises situés dans des zones exposées à payer pour le risque qu’ils prennent. Par exemple, les primes d’assurance contre les tremblements de terre au Japon ou les primes d’assurance contre les inondations aux États-Unis augmentent avec l’exposition au risque. Même dans ces cas, l’augmentation de la prime est réglementée.

La capitalisation des risques dans le calcul des valeurs immobilières et l’impact des primes d’assurance

La valeur des actifs devrait refléter les différences de risque. Ainsi, un bien en zone inondable est déprécié sur le marché immobilier. S’il peut être assuré, la capitalisation négative provient des primes d’assurance. Des études empiriques basées sur la méthode des prix hédoniques confirment que les marchés immobiliers valorisent le flux capitalisé des primes d’assurance contre les catastrophes naturelles (Bin et al., 2008, Harrison et al., 2001, MacDonald et al., 1990). L’expérience montre que les prix de l’immobilier réagissent davantage aux révisions des primes d’assurance qu’à d’autres révélations du risque (Skantz et Strickland, 1987).

L’assurance est souvent uniforme. Le premier type d’assurance uniforme est l’assistance de l’État en cas de catastrophe (en Australie, en Chine et dans de nombreux pays européens), l’assurance privée étant soit inexistante soit souscrite par peu de ménages ou entreprises. Le second type est la tarification d’assurance légalement non discriminatoire (comme au Danemark, en France, en Espagne ou en Suisse). Dans la plupart des pays, cette tarification inefficace de l’un ou l’autre des deux types d’indemnisation s’accompagne d’une interdiction de construire.

Dans le cadre d’une assurance uniforme – et en supposant qu’elle soit complète – tous les biens sont alors artificiellement équivalents, d’où une surexploitation des zones les plus risquées. En pratique, cet effet négatif est légèrement atténué par le fait que l’assurance est en réalité incomplète.

Un résultat typique de l’analyse économique est que l’approche par les primes d’assurance (incitations par les prix) et l’approche par le zonage (régulation par les quantités) sont également performantes. En fait, les prix et le zonage sont même substituts à n’importe quelle échelle. Sur un territoire traité de manière uniforme par l’assurance, le zonage peut faire gagner des degrés d’efficacité ; des différenciations tarifaires peuvent suppléer à l’imperfection du zonage.

Examen de l’efficacité des politiques de zone rouge

Nous examinons en détail les politiques les plus couramment observées, avec une zone rouge interdisant toute construction, et une zone de construction ne présentant pas de différenciation tarifaire de l’assurance.

Figure 2 : Zone rouge
Figure 2 : Zone rouge Source : Grislain-Letrémy et Villeneuve (2019)

Nos simulations montrent que la politique de zone rouge est relativement efficace. Les primes uniformes entraînent une utilisation uniforme de l’ensemble de l’espace autorisé (figure 3, ligne en trait plein) ; une assurance actuarielle incite les ménages à se concentrer dans des zones moins risquées (ligne en pointillés). Dans le cadre d’une assurance actuarielle, les zones les plus risquées sont spontanément désertées. Cette zone n’est que légèrement plus petite que la zone rouge optimale.

Figure 3  Équilibres : primes d’assurance actuarielles vs primes d’assurance uniformes et zone rouge optimale
Figure 3 : Équilibres : primes d’assurance actuarielles vs primes d’assurance uniformes et zone rouge optimale Source : Grislain-Letrémy et Villeneuve (2019)

Que se passe-t-il lorsque le risque évolue ?

La mise à jour du zonage au fur et à mesure que le risque évolue est cruciale. Le changement climatique accentuera l’intensité et la fréquence des catastrophes naturelles. Les dommages causés par les inondations dans les grandes villes côtières devraient être multipliés par huit entre 2005 et 2050, selon des projections fondées uniquement sur l’augmentation de la population et de la valeur immobilière. En tenant compte du changement climatique et des affaissements de terrain, les dommages causés par les inondations dans les grandes villes côtières pourraient être multipliés par 19 et coûter 1 000 milliards de dollars par an en l’absence d’amélioration de la prévention (Hallegatte et al., 2013).

Nous déterminons l’impact du changement climatique et de la pression démographique sur les zones rouges optimales. Comme prévu, l’extension de la zone rouge au fur et à mesure que la fréquence ou la gravité des catastrophes augmente limite l’impact final. En revanche, une augmentation de la population accroît le risque et en même temps la demande de terrain. Les zones rouges optimales peuvent rétrécir ou croître avec l’augmentation de la population.

La difficile gestion de l’existant

Comment gérer les personnes et les actifs déjà situés dans des zones fortement exposées ? La logique d’incitation connaît ici un écueil : il est tentant d’exonérer les habitations existantes d’une révision défavorable de l’exposition au risque. La clause du grand père (grand-father rights), largement invoquée, mène à des pertes à répétition. Il faudrait plutôt une mise à jour claire des risques, accompagnée d’une évolution de l’indemnisation de l’assurance vers le principe d’indemnités consacrées non plus à la reconstruction, mais au déménagement en zones moins exposées.

 

Ce billet de blog provient d’une colonne VoxEU, publiée le 27 avril 2022.

Par Céline Grislain-Letrémy et Bertrand Villeneuve (Université Paris-Dauphine)

Changement climatique et implications pour la conduite de la politique monétaire

Français

Les perturbations macroéconomiques et sur les marchés financiers liées au changement climatique et aux politiques de transition pourraient affecter la conduite de la politique monétaire : les risques climatiques pourraient nuire à sa transmission, limiter ses marges de manœuvre dans l’utilisation des instruments conventionnels et compliquer l’évaluation de son orientation.

Publié le 01/04/2022

Incidences du changement climatique sur la transmission de la politique monétaire

Le réchauffement climatique et les mesures visant à l’atténuer impliquent trois types de risque : physiques, de transition et de responsabilité. Nous nous intéressons ici aux deux premiers. Les risques physiques résultent à la fois d’événements météorologiques extrêmes et de phénomènes associés à une hausse des températures. La transition vers une économie bas carbone comporte également un ensemble de risques liés aux nécessaires modifications des politiques économiques et de réglementation, aux préférences des agents économiques et aux technologies requises pour atteindre les objectifs climatiques.

Ces risques peuvent exercer des tensions sur les intermédiaires financiers et affecter la transmission de la politique monétaire. Le changement climatique a donc été un thème central de l’évaluation stratégique de l’Eurosystème. Le tableau 1 montre comment les principaux canaux de transmission de la politique monétaire pourraient être exposés aux risques climatiques.

Tableau 1 - Transmission de la politique monétaire : les effets du changement climatique
Tableau 1 - Transmission de la politique monétaire : les effets du changement climatique

Changement climatique et marges de manœuvre de la politique monétaire

Le changement climatique peut influer sur la marge de manœuvre des banques centrales, c’est-à-dire sur la distance entre le taux d’intérêt naturel r* (taux compatible avec une inflation stable et une croissance à son potentiel) et le plancher effectif des taux, via son impact sur r*. Ces impacts sont incertains et plusieurs canaux sont à l’œuvre.

Certains facteurs, comme une plus forte demande à des fins d’investissement, pourraient avoir un impact positif sur r*. Parmi les facteurs négatifs, on peut citer une baisse de la productivité et une aversion accrue au risque. La croissance de la productivité peut être affectée aussi bien directement – la chaleur réduit la productivité au travail et la réorientation des ressources vers la reconstruction et l’adaptation freine l’innovation – qu’indirectement – des dommages accrus au stock de capital peuvent ralentir la croissance à long terme et les politiques de transition risquent de transformer en actifs échoués les investissements productifs. Le changement climatique et les politiques de transition vont de pair avec une plus forte incertitude, qui à son tour accroît l’aversion au risque, la propension à épargner et la demande d’actifs faiblement risqués, deux facteurs susceptibles de réduire r*.

Si r* diminue, les marges de manœuvre de la politique monétaire conventionnelle peuvent se réduire, rendant probablement nécessaire un recours plus actif et plus durable à des mesures non conventionnelles.

Risques climatiques et conduite de la politique monétaire

Le changement climatique entraînant typiquement des chocs d’offre, notamment via une hausse des prix de l’énergie durant la transition, la banque centrale sera confrontée au défi de stabiliser l’inflation sans perturber l’activité. De tels chocs étant susceptibles de devenir plus fréquents et plus sévères, « voir au-delà » de ces derniers pourrait progressivement devenir plus difficile pour les banques centrales.

En outre, le changement climatique devrait avoir des effets hétérogènes et asymétriques sur l’économie de la zone euro, rendant la formulation d’une politique monétaire unique plus difficile et son efficacité plus différenciée selon les pays. Les risques physiques sont plus hétérogènes entre pays membres qu’au sein d’une petite économie ouverte, et les politiques de transition auront des effets asymétriques, selon les différents niveaux d’émissions de gaz à effet de serre (GES) des pays.

Quantifier les défis posés par le changement climatique à la politique monétaire

Des analyses de scénarios peuvent aider les banques centrales à identifier et à quantifier les évolutions futures plausibles lorsque le changement climatique complique la conduite de la politique monétaire et altère sa capacité à garantir la stabilité des prix.

Leurs résultats montrent premièrement que les événements météorologiques extrêmes sont susceptibles d’exposer la zone euro à de nouveaux types de chocs, dont les conséquences économiques pourraient être importantes et imprévisibles. En supposant que les catastrophes, définies comme une série aléatoire de chocs d’offre et de demande, deviennent plus probables et soient récessionnistes, l’inflation moyenne pourrait devenir nettement inférieure à la cible de la BCE. Cette baisse serait encore plus prononcée dans l’hypothèse où le taux d’intérêt naturel diminuerait en raison d’une plus grande difficulté de la politique monétaire à contrer le choc. Une simulation de chocs plus fréquents liés à des catastrophes montre que, avec r* à 1 %, l’inflation baisserait en moyenne à 0,5 %, avec des épisodes plus fréquents et plus longs lors desquels les taux sont à leur plancher effectif (cf. figure 1, simulation réalisée à l’aide du New Area-Wide Model-II de Coenen et al., 2018).

Deuxièmement, la transition vers une économie bas carbone est également susceptible d’influer sur l’inflation et sur la croissance de la production, et donc sur la réponse de politique monétaire optimale. En cas de transition désordonnée, caractérisée par une hausse brutale non anticipée du prix du carbone, et si la banque centrale « voit au-delà » de la variation des prix relatifs (ciblage de l’inflation sous-jacente), l’inflation totale annuelle pourrait probablement augmenter, jusqu’à 0,5 point de pourcentage au-dessus du niveau de référence. La croissance annuelle du PIB serait légèrement inférieure, d’un peu plus de 0,2 point de pourcentage la quatrième année (simulations menées à l’aide du modèle d’Adjemian et Darracq-Pariès, 2008). Si la banque centrale choisissait d’aller à contre-courant d’une hausse de l’inflation totale, l’inflation serait plus contenue, mais l’impact baissier sur la croissance du PIB serait exacerbé.

Les perturbations liées au changement climatique et aux politiques de transition pourraient ainsi affecter la capacité de la BCE à remplir au mieux son mandat de maintien de la stabilité des prix. Une transition désordonnée et insuffisamment ambitieuse pourrait réduire ses marges de manœuvre et provoquer des arbitrages entre croissance de la production et stabilisation des prix, susceptibles d’entraver sa capacité à répondre de façon optimale. Aussi, les gouvernements doivent émettre des signaux s’inscrivant sur le long terme et prendre des engagements crédibles et ambitieux permettant une transition ordonnée et prévisible.

 

Par Stéphane Dees, Jean-François Ouvrard et Pierre-François Weber

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