Le modèle français de supervision a pleinement intégré la double dimension de la surveillance microprudentielle et macroprudentielle ; il a également pris en compte les impératifs prudentiels résultant du développement des conglomérats financiers. Ce modèle repose depuis 2010 sur une organisation institutionnelle originale, largement intégrée, couvrant banque et assurance.
Le modèle français de supervision permet ainsi à l’ACPR de disposer de l’ensemble des données nécessaires à une vision globale des différentes activités financières et à l’évaluation des risques du secteur, y compris ceux résultant d’interactions entre les domaines de l’assurance et de la banque. Ce modèle permet une meilleure appréciation de l’impact croisé des facteurs de risques susceptibles de toucher les banques et/ou les assurances d’un point de vue prudentiel. Par exemple, l’ACPR a pu évaluer l’impact du niveau des taux intérêt très bas sur la rentabilité des banques et la solvabilité des assurances, tant au niveau individuel que sectoriel, et en tirer des orientations prudentielles adaptées pour l’ensemble du secteur.
En outre, la supervision conjointe banque/assurance permet d’identifier les différences réglementaires entre les secteurs de la banque et de l’assurance et leur interaction, pour veiller ainsi à la cohérence de leur articulation. Cela peut être le cas tant du traitement des activités trans-sectorielles pour l’évaluation de la systémicité des groupes, que de domaines particuliers lorsque deux activités de même nature, par exemple la garantie de prêts immobiliers, peuvent être exercés par certains établissements bancaires et également par des organismes d’assurance. Dans ce dernier cas, l’ACPR veille à ce que, dans les deux secteurs, la sécurité globale du système soit assurée de façon équivalente et à minimiser les risques d’arbitrages réglementaires.
La supervision intégrée repose sur une prise en compte des traits particuliers des secteurs bancaire et de l’assurance. Ces deux secteurs présentent en effet des caractéristiques spécifiques qui tiennent à la nature de leur activité : ainsi dans le secteur de l’assurance, le cycle de production est inversé par le fait que la vente (versement d’une prime) a lieu en échange de la promesse d’un produit futur (indemnisation en cas de sinistre), dont le coût est initialement inconnu de l’assureur. Cette inversion du cycle donne une place centrale à la modélisation des risques dans un horizon de moyen-long terme, y compris sur des activités de masse (ex. assurance automobile). Dans ce cadre, la supervision de l’assurance doit notamment faire appel à des outils statistiques et actuariels.
A l’inverse, le suivi prudentiel du secteur bancaire peut s’appuyer sur un cycle de production classique, où le montant des risques est connu, le plus souvent, dès le moment où la transaction est effectuée. Par ailleurs, l’approche prudentielle du secteur bancaire s’inscrit dans une perspective de plus court terme, s’agissant notamment du suivi du risque de liquidité. Enfin, davantage que l’assurance, le secteur bancaire se caractérise par des risques systémiques liés à l’importance des activités interbancaires.
Au-delà de ces différences, les secteurs de l’assurance et de la banque présentent néanmoins de puissants traits communs, qui tiennent essentiellement au caractère financier de leur activité, ainsi qu’à l’importance d’assurer la confiance dans chacun des secteurs et de protéger leur clientèle. Ces traits communs ont permis à l’ACPR de tirer parti de synergies et de renforcer l’approche prudentielle de l’ensemble du secteur financier.
Conduite dans un même objectif de stabilité financière et de protection des clientèles, la supervision de la banque et de l’assurance peut en effet s’appuyer sur un socle commun particulièrement robuste en termes d’objectifs et de moyens, axé principalement sur la gouvernance et le renforcement des fonds propres, ainsi que sur la solvabilité et la liquidité. Les nouvelles exigences prudentielles (Bâle III et CRD IV pour la banque, Solvabilité 2 pour l’assurance) ont sensiblement accéléré la convergence prudentielle entre les deux secteurs, notamment:
(i) en mettant au premier plan une approche consolidée fondée sur les risques dans le cadre d’une vision groupe,
(ii) en adoptant une approche commune en trois piliers (exigences financières quantitatives, action du superviseur, discipline de marché),
(iii) en accordant une importance accrue à la gouvernance, à la protection du client et à la lutte contre le blanchiment,
(iv) en rapprochant la nature des informations prudentielles requises par le superviseur (reporting), bien que sous des formats différents.
Les nouvelles exigences prudentielles ont conduit à la réduction de certaines activités nécessitant des charges en capital élevées, telles que la banque de financement et d’investissement, et à une consolidation se traduisant par de nombreux regroupements, aussi bien dans le secteur de la banque que de l’assurance. Ce mouvement de rationalisation s’est traduit par la constitution de grands groupes, banques, organismes d’assurance ou bancassureurs, qui occupent depuis plusieurs années une place importante aux niveaux européen et mondial.
L’ACPR dispose naturellement en son sein des compétences spécialisées lui permettant de prendre en compte les spécificités de ces deux activités, banque et assurance, tout en ayant une vue globale de l’ensemble du secteur financier qui favorise une convergence des approches prudentielles.