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N° 101 : Les groupes bancaires français face au risque climatique
Comment les banques françaises se préparent-elles au changement climatique et où en sont-elles dans la mise en œuvre des dispositions de l’article 173 de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte ?
Afin de répondre à ces questions, l’ACPR a interrogé les principaux groupes bancaires français via un questionnaire, envoyé au cours de l’été 2018, et des entretiens bilatéraux, organisés de septembre à novembre. L’objectif était de dresser un bilan des évolutions constatées depuis la publication d’un rapport au Gouvernement, en mars 2017, consacré aux risques financiers liés au changement climatique auxquels le secteur bancaire est exposé.
Ce numéro d’Analyses et synthèses en présente les principaux résultats. Il précise également les risques auxquels sont exposés les groupes bancaires.
Ce numéro est organisé autour des questions suivantes :
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Les risques climatiques sont-ils intégrés dans les orientations stratégiques des grands groupes? Ces stratégies sont-elles compatibles avec l’Accord de Paris et la Stratégie nationale bas carbone? Les organes de décisions sont-ils régulièrement tenus informés? Quels sont les indicateurs utilisés pour le pilotage stratégique? Comment se traduisent-ils dans les processus opérationnels?
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Les risques climatiques sont-ils considérés comme des risques spécifiques ou correspondent-ils à de nouveaux facteurs influençant les classes usuelles de risques prudentiels (risque de crédit, de marché, de liquidité, etc.) ? Quels sont les risques auxquels les banques sont exposées et comment gèrent-elles en particulier les risques physiques, les risques de transition et les risques de responsabilité associés au changement climatique? Quels sont les progrès accomplis depuis 2016 et les approches innovantes développées par les institutions pour gérer ces risques ? Où en est-on de la possibilité de conduire des tests de résistance climatiques ?
Les principaux constats sont les suivants :
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De façon générale, on observe des progrès dans la prise en compte du risque climatique au niveau de la stratégie des groupes bancaires, assortis pour certains par des engagements de désinvestissement vis-à-vis de certaines filières très émettrices de gaz à effet de serre. Certains établissements, que l’on qualifie d’ « avancés » dans cette étude, ont commencé à développer certaines métriques destinées à piloter une « décarbonation » progressive de leurs portefeuilles. Mention est généralement faite de l’Accord de Paris même si l’alignement des stratégies des groupes sur l’objectif 2°C n’est pas toujours explicite ni déclinée au plan opérationnel et que les établissements se réfèrent rarement à la Stratégie nationale bas carbone.
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On note également une prise en compte croissante du risque climatique par les directions des risques des grands groupes, au-delà des fonctions RSE qui apparaissaient en première ligne en 2016, principalement sous l’angle du risque de réputation. Cette évolution se traduit dans certains établissements par une quantification croissante des risques et des expositions et des premières analyses de sensibilité des portefeuilles.
S’agissant des trois grandes catégories de risques climatiques, on peut noter :
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Risque physique : les groupes bancaires français apparaissent assez peu exposés au risque physique sur la base des scénarios actuellement disponibles et des impacts anti - cipés, les expositions étant principalement concentrées dans des zones géographiques faiblement vulnérables. L’industrie semble cependant prendre conscience que l’intégralité du risque n’est pas nécessairement et intégralement transférable au secteur des assurances. Les quelques exemples d’épisodes extrêmes dont nous disposons montrent cependant que ces derniers n’ont pas eu de conséquences matérielles sur les risques bancaires. Pour autant, des progrès sont à accomplir dans la collecte de données granulaires sur la localisation géographique des expositions, et dans la consolidation de ces informations au niveau groupe. Le risque physique ne doit pas être sous-estimé, même si son horizon de matérialisation est généralement situé à moyen terme (10-15 ans). À titre d’illustration, le bas niveau des fleuves en Europe, dont celui le Rhin, au cours de l’été 2018 a très fortement perturbé le transport fluvial et les approvisionnements en Allemagne ou en Suisse. Plus généralement, les effets déjà présents du changement climatique sur les infrastructures ou l’environnement constituent de nouveaux facteurs de risque sur la position financière des États.
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Risque de transition : c’est le domaine sur lequel les progrès les plus sensibles sont enregistrés, les établissements bancaires se considérant plus directement exposés. Ces progrès sont toutefois hétérogènes entre les groupes bancaires. On observe, sur la base des remises des banques une diminution des expositions sur les secteurs les plus émetteurs de gaz à effets de serre entre 2015 et 2017 sans que l’on puisse encore conclure qu’il s’agisse d’une tendance durable. Des données complémentaires, issues des reporting « grands risques », montrent que les expositions restent stables depuis 2010 avec une légère baisse depuis 2015, qui reste cependant à confirmer dans un contexte où, par ailleurs, on note une reprise des émissions en France. Il ressort des entretiens que l’horizon de matérialisation de ce risque est beaucoup plus proche que celui envisagé par les établissements bancaires. En effet, les scénarios climatiques montrent, en dépit de l’incertitude qui les entoure, que la neutralité carbone devrait être atteinte entre 2030 et 2050 pour respecter l’objectif de l’accord de Paris. Les établissements considèrent par ailleurs que la principale source de matérialisation du risque de transition serait la mise en place de politiques publiques (taxe énergétique). Ils ne semblent en revanche pas envisager qu’un ajustement puisse s’opérer par une correction spontanée et brutale sur les marchés financiers. Dans ce domaine, les marges de progrès sont également importantes et les superviseurs, à travers des exercices de tests de sensibilité ou de résistance pourraient servir de catalyseurs.
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Risque de responsabilité : la plupart des établissements interrogés considèrent ne pas être exposés à ce risque de façon matérielle. Le nombre de recours est pourtant en hausse au niveau international et l’on ne peut qu’encourager les établissements à s’emparer du sujet.
Cet article conclut par un certain nombre de recommandations à l’attention des régulateurs et des superviseurs d’une part, des établissements bancaires d’autre part, afin d’encourager la diffusion des bonnes pratiques et de favoriser une meilleure prise en compte du risque climatique.
Télécharger l'Analyse et synthèse N° 101
Mise à jour le 7 Février 2025