La plus grande attention désormais apportée à la qualité des actifs sous-jacents a permis un assainissement du marché : après avoir culminé à plus de 700 milliards d’euros en 2008, les émissions de titrisation en Europe atteignaient en 2013 un niveau plancher d’environ 150 milliards d’euros. Aux États-Unis, les émissions passaient d’environ 2000 milliards d’euros par an durant les années précédant la crise (2001-2007) à la moitié ensuite, pour s’établir fin 2013 à environ 1500 milliards d’euros, à cette importante nuance près que les agences gouvernementales américaines, qui représentaient la moitié des émissions avant 2007, s’octroient désormais 80 à 90 % du total des émissions, signe d’une méfiance persistante des marchés. Le marché américain de la titrisation hors agences (Environ 200 milliards d’euros d’émissions en 2013, en léger déclin par rapport à 2012) est donc du même ordre de grandeur qu’en Europe.

Initiée lors de la crise des subprimes, la défiance vis-à-vis de la technique de la titrisation s’est ajoutée en 2011 en Europe à la crise de la dette qu’ont connue les États du sud du continent (Espagne, Italie, Portugal pour les principaux). La titrisation a cependant représenté un apport important au refinancement des banques européennes en leur permettant un apport de collatéral auprès de la Banque centrale européenne durant la période de blocage généralisé du financement interbancaire : entre la moitié et les deux tiers des émissions européennes en 2013 étaient encore retenues au bilan des banques pour servir de réserve de collatéral.

Le qualificatif de « toxique » attribué parfois à la titrisation durant la crise tient plus à la façon d’utiliser cet outil de refinancement qu’à l’outil en tant que tel. Les failles de la titrisation pendant la crise sont principalement apparues sur des structures complexes (telles les « re-titrisations ») ou des stratégies d’arbitrage du type « originate to distribute » permettant de titriser des actifs de mauvaise qualité. Or ces pratiques semblent n’avoir concerné les titrisations européennes que de manière marginale. En effet, le niveau de pertes réel des sous-jacents de produits titrisés en Europe s’est finalement avéré modéré depuis 2008 : les niveaux d’impayés sur les actifs titrisés dans l’immobilier en 2007 n’ont pas dépassé les 5 % dans un pays durement touché comme l’Espagne, tandis qu’ils atteignaient près de 25 % aux États-Unis en 2008. L’encours de produits titrisés européens se concentre majoritairement en 2013 sur des sous-jacents de bonne qualité ou faisant l’objet de garanties étatiques : les prêts immobiliers aux ménages belges, néerlandais, allemands et britanniques (38 %), auxquels il convient d’ajouter les divers prêts à la consommation ou liés à l’acquisition d’une automobile (14 % environ). La proportion d’encours de prêts aux PME est demeurée stable durant la période 2008-2013 (7-9 %), les montants absolus suivant la même courbe décroissante que l’ensemble.

La reprise durable de l’activité de titrisation en Europe dépend néanmoins du retour de la confiance des investisseurs, qui devra s’appuyer sur une plus grande standardisation et une nécessaire transparence des produits, de pair avec le maintien d’une sélectivité accrue des sous-jacents de la part des émetteurs.

Il convient de noter que les analyses présentées ici portent pour l’essentiel sur les encours d’actifs « titrisés » et non pas sur l’activité des véhicules de titrisation (qui investissent aussi dans d’autres actifs). Le montant des actifs des véhicules de titrisation de la zone Euro s’établissait à fin décembre 2013 à un peu moins de 2000 milliards d’euros, parmi lesquels les prêts ayant fait l’objet de titrisation et détenus par les véhicules en question s’élevaient à 1300 milliards d’euros environ à la même date, parmi lesquels 1 000 provenaient d’Institutions monétaires et financières - IFM - de la Zone Euro (dont 440 conservés au bilan). L’article complète donc les indicateurs publiés par ailleurs dans le Bulletin trimestriel de la Banque de France sur l’activité des véhicules de titrisation.

Une annexe présente les initiatives récentes en matière de relance de la titrisation en Europe et notamment en France.

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Mise à jour le 23 Janvier 2025