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N° 96 : Étude sur les modèles d'affaires des banques en ligne et des néobanques
Le secteur de la banque de détail en France est confronté à de nombreux défis et mutations : tout d’abord une révolution numérique qui appelle une profonde transformation par les réseaux traditionnels de leurs processus, de leurs systèmes informatiques et de leurs ressources humaines ; ensuite des évolutions législatives qui encadrent les pratiques tarifaires et favorisent la mobilité bancaire ; et enfin un environnement de taux bas qui grève les marges nettes d’intérêt.
C’est dans ce contexte que plusieurs nouveaux acteurs bancaires, communément appelés banques en ligne ou néobanques, faisant appel aux nouvelles technologies pour refonder le modèle relationnel (via internet, puis via les applications mobiles), ont progressivement réussi à partir des années 2000 à s’établir aux côtés des réseaux bancaires traditionnels. Si ces nouveaux acteurs s’adressaient à leurs débuts à des clientèles minoritaires, déjà bancarisées et plutôt complémentaires à celles des réseaux traditionnels, ils touchent aujourd’hui de plus en plus le grand public.
C’est la raison pour laquelle l’ACPR a décidé de conduire au cours du premier semestre 2018 une étude sur les modèles d’affaires de ces nouveaux acteurs bancaires. Un panel de 12 établissements a été interrogé. Ces derniers ont été sélectionnés en tenant compte de leur modèle d’affaires (au moins une offre de compte courant et de carte bancaire et un relationnel client majoritairement à distance) et de leur représentativité. Il s’agit de BForBank (Groupe Crédit Agricole), Boursorama (Groupe Société Générale), C-Zam (Carrefour Banque), Compte Nickel (Groupe BNP Paribas), Fortuneo (Groupe Crédit Mutuel Arkéa), Hello Bank (Groupe BNP Paribas), ING Direct (Groupe ING), Ma French Bank (Groupe La Banque Postale), Monabanq (Groupe CM11-CIC), N26 Bank, Orange Bank (Groupe Orange) et Revolut.
Parmi ces établissements, certains sont des marques (Hello Bank) ou des produits (C-Zam) sans personnalité juridique. D’autres sont présents en France via le passeport européen (N26 Bank, Revolut). D’autres encore sont très récents ou en phase de lancement (Orange Bank depuis novembre 2017, Ma French Bank du groupe La Banque Postale n’est pas encore lancée au moment où nous publions cette étude). Compte tenu de la diversité de ces situations, il fut nécessaire de conduire une enquête ad-hoc. Pour conduire des comparaisons et assurer le maximum d’homogénéité dans les résultats, et alors que certains établissements sont présents dans plusieurs pays ou portent des activités à destination des professionnels et des entreprises, cette étude ne s’est focalisée que sur le seul marché des particuliers résidant en France.
L’étude montre que ces nouveaux acteurs bancaires ont de fait gagné des parts de marché : 6,5 % des français en sont aujourd’hui clients et surtout un tiers des conquêtes client ont été réalisées par ces nouveaux acteurs en 2017. Par leur dynamisme commercial, ils sont devenus des acteurs incontournables de la banque de détail en France.
Si beaucoup d’entre eux bénéficient de leur intégration à des grands groupes, ce qui leur assure une certaine solidité financière, ces acteurs restent toutefois exposés à certains risques :
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Ils sont particulièrement concernés par les risques opérationnels : tout d’abord, le risque de fraude externe (fraude documentaire, fraude sur les moyens de paiement) et, compte tenu du nombre élevé de prestataires technologiques, les risques d’externalisation.
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Dans la mesure où l’entrée en relation se fait à distance, ils doivent aussi faire preuve d’une vigilance particulière en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. En ce domaine, si les nouveaux acteurs font déjà appel aux nouvelles technologies pour sécuriser les conquêtes de nouveaux clients, ils attendent aussi de pouvoir s’appuyer sur un dispositif d’identité numérique de niveau élevé en France.
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Par ailleurs, en lien avec leur positionnement stratégique, ces acteurs misent sur la dématérialisation des parcours, l’autonomie laissée aux clients et l’automatisation du relationnel via des développements rapides en intelligence artificielle. En matière de protection de la clientèle, ces professionnels doivent continuer de garantir l’accessibilité et la qualité de l’information fournie aux clients.
Surtout, l’étude souligne que les incertitudes restent nombreuses quant à la capacité des nouveaux acteurs bancaires à construire un modèle d’affaires rentable. Aujourd’hui, ceux-ci se retrouvent en concurrence tant avec les réseaux traditionnels qui ont désormais engagé leur transformation numérique qu’avec de tout nouveaux acteurs européens qui disposent d’un passeport entrant en France et qui s’y montrent particulièrement actifs.
De fait, cette étude montre que sauf quelques rares exceptions ces nouveaux acteurs ne sont pas parvenus à dégager des résultats positifs en 2017. Cela peut s’expliquer en premier lieu par la faiblesse de leur produit net bancaire (PNB), le revenu annuel moyen par client étant de 138€ avec toutefois de fortes disparités entre les établissements. Cela tient à l’environnement de taux bas alors que le PNB dépend encore beaucoup de la marge sur dépôts. Mais cela tient aussi à quelques facteurs structurels que l’étude met en exergue. Tout d’abord, bien que leur clientèle soit en moyenne plus aisée et plus urbaine, celle-ci est encore plus jeune et compte davantage de clients inactifs (environ 14 %) et moins de clients en banque principale (seulement 23 %). Ensuite, leur gamme de produits reste plus limitée et leur positionnement tarifaire qui est constitutif de leur image de marque limite aussi leurs marges de manœuvre. La faiblesse de leur PNB se double enfin de frais généraux importants engendrés par le service clientèle, le marketing et l’informatique. À cet égard, les offres commerciales comme les primes de bienvenue constituent un poste de dépense toujours important (jusqu’à 24 % du PNB).
Toutefois cette observation statique doit être complétée par la prise en considération des dynamiques. Certains de ces établissements sont encore en phase de lancement ou de croissance si bien qu’environ la moitié de ces établissements espèrent être rentables à fin 2020. Tout l’enjeu réside donc dans leur capacité à maintenir leur dynamique de développement et d’en amortir les coûts afférents. Or, si les acteurs sondés dans notre étude ambitionnent un total de 13,3 millions de clients à fin 2020, aucun élément ne laisse présager une croissance du marché français : la population française est déjà fortement bancarisée, la croissance démographique reste faible et l’hypothèse d’une augmentation structurelle de la multi-bancarisation est débattue. Par conséquent, si les ambitions stratégiques de ces nouveaux acteurs venaient pour tout ou partie à se réaliser, cela aurait nécessairement pour corollaire un bouleversement des positions acquises par les acteurs traditionnels.
L’ACPR est donc parvenue aux conclusions suivantes :
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Les nouveaux acteurs bancaires ont progressivement réussi à s’installer dans le paysage bancaire français pourtant mature. Toutefois, ils sont eux-mêmes soumis à un contexte concurrentiel très fort. En raison de leur jeunesse et de l’absence de réseaux, leur image de marque reste moins bien établie. Leur positionnement tarifaire les oblige de surcroît à une amélioration constante de leurs performances.
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Dans ce contexte, l’étude met en lumière les incertitudes qui pèsent sur leurs perspectives de développement. Si les plans stratégiques de certains établissements pourraient se révéler trop ambitieux, il reste toutefois délicat de juger de projections de rentabilité pour des acteurs dont la stratégie d’innovation et de développement peut induire des transformations profondes du secteur.
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À cet égard, le rôle des banques en ligne et des néobanques dans la course à l’innovation mérite d’être souligné. Dans le domaine du mobile ou de l’usage innovant des données à des fins marketing, ces nouveaux acteurs se montrent particulièrement actifs. Ils ont ainsi été parmi les premiers à proposer des solutions de gestion des finances personnelles. Dans le domaine de la relation clientèle, ces établissements cherchent aussi à tirer au maximum profit de la technologie pour rendre le client autonome et limiter autant que possible l’intervention humaine. Lorsqu’ils appartiennent à des groupes bancaires déjà établis, ils peuvent ainsi jouer en leur sein le rôle de laboratoire d’innovation et d’expérimentation. Dans tous les cas, ils se sont imposés comme des acteurs essentiels des transformations à venir de la banque de détail.
Télécharger l'Analyse et synthèse N° 96
Mise à jour le 7 Février 2025