Si le règlement délégué (UE) 2015/35 définit et prévoit une intégration des risques de durabilité à l’actif comme au passif, environ 20% des organismes (sans distinction de taille) limitent la définition des risques de durabilité à l’actif uniquement. Par ailleurs, une confusion entre risques de durabilité et facteurs de durabilité (ou critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance – ESG) conduit parfois à ne pas suivre les indicateurs permettant l’analyse des risques attendue.

La moitié des organismes a intégré les risques de durabilité dans les 3 politiques écrites explicitement prévues par la réglementation. Cette intégration manque parfois de précisions. La politique de gestion du risque d’investissement apparaît comme la politique la plus aboutie, même si pour certains organismes cette intégration est effectuée par une prise en compte de critères ESG dans les critères d’investissement plutôt que par une analyse des risques de durabilité. Concernant la politique de souscription et de provisionnement, l’ACPR observe que l’intégration des risques de durabilité et notamment des risques liés au changement climatique a rarement conduit à des modifications des hypothèses ou des méthodologies de provisionnement.

L’ACPR incite les organismes à la prudence et par conséquent à la pleine intégration des évènements climatiques de 2022 et 2023 dans les historiques de provisionnement.

Enfin, l’ACPR observe une différence entre l’évaluation de la matérialité des risques de durabilité interne et celle restituée dans les rapports EIRS (Évaluation Interne des Risques et de la Solvabilité). Par ailleurs, si la majorité des organismes considère ces risques comme matériels au regard de leur activité, seule une minorité a intégré les risques de durabilité autres que le changement climatique dans le rapport EIRS. S’agissant de l’étude des risques liés au changement climatique dans le processus d’évaluation interne des risques et de la solvabilité, l’autorité européenne préconise, en matière d’évaluation de la matérialité des impacts de ce changement, des scénarios spécifiques et un horizon de temps plus lointain que celui utilisé pour l’analyse d’autres risques (évalués à l’horizon des plans stratégiques). Une grande majorité des organismes (75%) n’applique pas correctement cette préconisation. Or, l’enquête fait apparaître que le respect de cette position de l’EIOPA permet d’améliorer la qualité des évaluations.

En conclusion, malgré la volonté affichée par une majorité d’organismes d’assurance et de réassurance d’adapter leur stratégie et leur gestion des risques dans le sens d’une prise en compte des risques de durabilité, les travaux restent de qualité inégale au sein du marché et sont à approfondir en vue d’une pleine intégration de l’ensemble de ces risques dans le système de gouvernance et de gestion des risques. Pour ce faire, les organismes d’assurance et de réassurance doivent faire face à au moins trois difficultés, deux de nature exogène et une en interne :

  •  la qualité des données disponibles, notamment pour les risques de durabilité autres que le changement climatique ;

  • la dépendance aux fournisseurs de données externes sur lesquels la maîtrise et la compréhension peuvent être limitées ;

  • un manque de cohérence entre les différents travaux internes d’évaluation et de suivi des risques de durabilité mais également entre ceux-ci et les informations publiées dans le cadre des reportings extra-financiers (exemple : 29LEC).

Au vu de la diversité des risques en matière de durabilité, de leur complexité et de leur caractère évolutif, le système de gouvernance et de gestion des risques des organismes d’assurance et de réassurance ne sera en capacité de les évaluer et de les intégrer suffisamment qu’au prix d’un effort de sensibilisation et de formation de l’ensemble des acteurs en charge de la maîtrise des risques, et notamment (i) l’intégration par les responsables fonctions clés de gestion des risques et actuarielle des risques de durabilité dans leurs missions et (ii) l’information régulière des organes de gouvernance sur ces risques de durabilité.

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Mise à jour le 7 Avril 2025