Au niveau mondial, selon les statistiques publiées par CBRE, les investissements en immobilier d’entreprise ont chuté de 47% en 2023 (Graphique 1). Ce recul est plus marqué sur le continent américain (-50 %) et dans la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique (-46 %) que dans la zone Asie-Pacifique (-29 %). 

En France, le marché de l’immobilier commercial s’inscrit en repli en 2023, avec notamment une contraction des investissements, une surcapacité de bureaux disponibles et une baisse des prix :

  • D’après les données publiées par BNP Paribas Real Estate, les investissements en immobilier d’entreprise ont atteint 14,3 milliards d’euros en 2023, soit une baisse de 51 % par rapport à 2022 (Graphique 2) et de 49 % par rapport à leur moyenne décennale. Le recul des investissements concerne toutes les catégories d’actifs (Graphique 3), à commencer par les bureaux (-57 %) et le segment logistique et activité (-56 %). Cette tendance se poursuit au premier trimestre 2024 (T1 2024) avec une baisse de 38 % des investissements par rapport au T1 2023, un ralentissement marqué dans les secteurs des bureaux (-63 %) et du commerce (-71 %), tandis que les investissements rebondissent nettement dans l’hôtellerie (+67 %) ainsi que dans la logistique (+17%).

  • D’après les données publiées par Immostat, la demande placée de bureaux en Ile-de-France a reculé en 2023, avec 1 944 milliers de mètres carrés (m²) de locaux achetés ou pris à bail par les utilisateurs finaux (-16,7 % par rapport à 2022, Graphique 4). L’offre immédiate de bureaux atteint 4 759 milliers de m² fin 2023 (Graphique 5), un plus haut depuis 2001 (début de la série statistique). L’offre a continué de croître en 2023 (+10,2 %) tandis que la demande reculait, d’où une hausse du délai d’écoulement qui est passé de 1,9 an fin 2022 à 2,4 ans fin 2023 (+ 7 mois).

  • Poursuivant une tendance amorcée en 2022, le prix au m² des investissements en bureaux en Île de France a continué de reculer en 2023 (-16,7 % entre le T4 2022 et le T4 2023 ; Graphique 7). Les loyers des bureaux neufs ou restructurés se sont toutefois maintenus en 2023 (+1,9 % ; Graphique 8), tandis que les loyers des bureaux de seconde main n’ont reculé que légèrement (-1,6 %), grâce notamment à un taux de mesures d’accompagnement qui plafonne à un niveau élevé (25 % en moyenne en 2023 ; Graphique 9). Ces tendances se poursuivent au T1 2024.

Les expositions des banques françaises à l’immobilier commercial restent relativement limitées.

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) réalise semestriellement une enquête auprès des cinq principaux groupes bancaires français afin de suivre leur exposition à l’immobilier commercial. Initialement centrée sur le financement des professionnels de l’immobilier, l’enquête a évolué en 2023 pour permettre de suivre cette exposition de manière plus complète en particulier en prenant en compte les crédits à des entreprises permettant l’acquisition ou la construction de biens immobiliers ainsi que les crédits garantis par un bien immobilier (cf. encadré infra et section méthodologique).

Sur la base de ce périmètre étendu, les expositions des cinq principaux groupes bancaires français à l’immobilier commercial s’élèvent à 541,5 milliards d’euros à fin 2023, pour l’essentiel (505,3 milliards d’euros) des concours octroyés par les banques dont :

  • 47,9 % de concours accordés aux professionnels de l’immobilier (Graphique 15), dont 36,9 % ont pour sous-jacents des actifs existants dont la vocation est de générer des revenus (income producing real estate – IPRE) et 11,1 % concernent des actifs à construire destinés à être mis en vente ou loués (property under development – PUD) ;

  • 5,5 % de concours accordés aux opérateurs du logement social ;

  • 46,6 % de concours accordés aux non professionnels de l’immobilier et du logement social pour l’acquisition d’un bien immobilier et/ou garantis par un bien immobilier.

À ces concours s’ajoutent 36,2 milliards d’euros d’investissements réalisés par les banques pour leur propre compte et ayant pour sous-jacent de l’immobilier commercial. Ces investissements sont majoritairement constitués d’immeubles d’exploitation (72,5 % ; Graphique 14).

Au total, l’exposition globale des 5 principales banques françaises à l’immobilier commercial représente 541,5 milliards d’euros (Graphique 13), soit 6,6 % du total de bilan de ces banques et 139,9 % de leur fonds propres CET1.

Les concours à l’immobilier commercial se situent très largement en territoire français. Les concours sont octroyés à 75,6 % à des bénéficiaires résidents français (Graphique 18) et ont à 76,4 % pour sous-jacent un bien localisé sur le territoire national (Graphique 17). Les actifs immobiliers sous-jacents à ces concours sont constitués à 30,2 % de biens immobiliers résidentiels, tandis l’immobilier de bureau ne représente que 17,6 % des concours (Graphique 19). Les locaux commerciaux et les locaux industriels représentent quant à eux respectivement 17,4 % et 16 % des concours.

Un risque de crédit qui apparaît maîtrisé dans l’ensemble, avec néanmoins quelques segments à risque.

Les crédits à l’immobilier commercial accordés par les banques françaises présentent des fondamentaux relativement solides. Sur la base de la nouvelle enquête ACPR, ces crédits sont majoritairement à taux fixe (57,5 % ; Graphique 27) et amortissables (Graphique 23), soit totalement (57,9 %), soit partiellement (16,1 %). Par ailleurs, 73,9 % de ces crédits arrivent à maturité dans 2 ans ou plus, et la moitié (50,4 %) dans 5 ans ou plus, limitant ainsi les risques liés au refinancement à court et moyen terme (Graphique 31). Les crédits octroyés aux professionnels de l’immobilier présentent cependant des parts plus importantes de crédits à taux variable (47 % ; Graphique 28), de crédits in fine (49,1 % ; Graphique 24) et de prêts dont la durée résiduelle est inférieure à 2 ans (42,1 % ; Graphique 32).

Les indicateurs de risque sont globalement bien orientés. 57,8 % des crédits présentent un ratio prêt / valeur du bien financé (ou Loan-to-value - LTV) inférieur à 60% (Graphique 35), 76,3 % un taux de couverture des intérêts de la dette (ou Interest coverage ratio - ICR) supérieur à 2 (Graphique 39) et 81,4 % un taux de couverture du service de la dette (ou Debt service coverage ratio - DSCR) supérieur à 1 (Graphique 43).

Pour les banques françaises, la solidité des fondamentaux et la bonne orientation des indicateurs de risque se reflètent dans la faible sinistralité des crédits à l’immobilier commercial, malgré une hausse de la part des concours au stade 2 (IFRS 9), traduisant une hausse relative du risque de crédit :

  • Le taux d’exposition au stade 3 des concours à l’immobilier commercial s’élève à 2,7 % au 31 décembre 2023 (Graphique 51). La légère hausse observée entre juin et décembre 2023 (+0,2 pt) provient en premier lieu des financements spécialisés (+1 pt à 3,6 %) et/ou des biens localisés dans le reste du monde (+1,7 pt à 5 %).

  • On observe une hausse du taux d’exposition au stade 2 entre juin et décembre 2023 (+2,2 pts à 12,7 % ; Graphique 51), notamment chez les professionnels de l’immobilier (actifs existants : +3,9 pts à 13,4 % ; actifs en construction : +3,8 pts à 12,7 %).

  • Le taux de provisionnement moyen des actifs en stade 3 est de 35,8 % (Graphique 59), un taux inférieur à celui observé sur les prêts aux entreprises en général (45,7 %) mais qui doit être mis en rapport avec la part importante garantie par un bien immobilier (63,6 %). Ces garanties doivent toutefois faire l’objet d’une vigilance particulière dans le contexte actuel de baisse des prix des actifs immobiliers. On note enfin une hausse des flux nets de provisionnement sur les encours en stade 2 et en stade 3 (Graphique 63), notamment pour les crédits aux professionnels de l’immobilier.

La faible sinistralité observée jusqu’à présent et la prépondérance des garanties se reflètent dans les pondérations bâloises. Sur la base de la nouvelle enquête ACPR au 31 décembre 2023, 72 % des expositions sont traitées en méthode notation interne (IRB), plus sensible au risque de crédit sous-jacent (Graphique 70), et présentent une pondération moyenne de 40,8 % (Graphique 74). Ce pourcentage est inférieur à la pondération IRB moyenne associée à l’ensemble des prêts aux entreprises (45 %), traduisant ainsi un risque estimé plus faible.

Des zones de risque demeurent (cf. Tableau 3 et Tableau 4), en particulier au niveau des actifs en construction (11,1 % des expositions totales), des marchands de biens (2,1 % des expositions totales) et/ou des biens localisés hors Europe (7,1 % des expositions totales) :

  • 56,1 % des concours octroyés pour le financement d’actifs en construction (PUD) arrivent à maturité dans 2 ans ou moins. 45,3 % des concours octroyés pour ce type d’actifs sont des crédits in fine et 58,5 % sont à taux variables. Ces crédits présentent en outre une pondération IRB moyenne de 55,8 %, supérieure à la pondération moyenne des expositions à l’immobilier commercial (40,8 %), reflétant un risque de crédit plus élevé. Toutefois, les actifs sous-jacents sont très majoritairement (63,7 %) des biens immobiliers résidentiels et sont très majoritairement localisés en France (92,6 %).

  • 59,2 % des concours octroyés à des marchands de bien arrivent à maturité dans 2 ans ou moins. La majorité de ces concours sont des crédits in fine (72,1 %) et 43,5 % sont à taux variable. Les concours octroyés aux marchands de biens présentent des indicateurs de risque (LTV, ICR et DSCR) plus agressifs que la moyenne des expositions à l’immobilier commercial. Les marchands de biens présentent par ailleurs un taux d’exposition en stade 2 de 23 % et une pondération IRB moyenne de 62 %, tous deux très supérieurs aux moyennes observées pour l’ensemble des expositions à l’immobilier commercial (respectivement 12,7 % et 40,8 %), traduisant un risque de crédit plus élevé. Les actifs sous-jacents aux concours octroyés au marchands de biens sont également en majorité (63,1 %) des actifs immobiliers résidentiels et sont très majoritairement localisés en France (81,8 %).

  • 53,3 % des concours octroyés pour le financement de biens localisés hors Europe arrivent à maturité dans 2 ans ou moins. La majorité de ces concours sont des crédits in fine (55,3 %) et à taux variable (60,9 %), tandis que 36,4 % présentent une part d’ICR < 1,5 de 36,4 % (versus 17,1 % pour l’ensemble des expositions à l’immobilier commercial). Ces concours présentent par ailleurs 14,3 % d’exposition en stade 2, 5 % d’expositions en stade 3 et une pondération IRB moyenne de 43,9 %, des pourcentages supérieurs aux moyennes observées pour l’ensemble des expositions à l’immobilier commercial. Les actifs sous-jacents sont en premier lieu des locaux commerciaux (26,4 %) et des bureaux (23,2 %).

L’exposition des banques françaises à l’immobilier commercial apparaît relativement limitée et présente à ce stade des risques qui restent globalement contenus, en dépit de zones de risque circonscrites à certains segments (actifs en construction, marchands de biens et actifs localisés hors Europe notamment) et d’une hausse du risque de crédit au niveau des professionnels de l’immobilier en général. Compte tenu des développements en cours dans le secteur, les banques sont invitées à procéder à un suivi rapproché de leurs risques au regard notamment de la valorisation ou de la situation locative des biens financés et à continuer à traduire sans délai dans leurs bilans et leurs comptes de résultat toute dégradation de la qualité de leurs expositions.

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Mise à jour le 8 Janvier 2025