- Accueil
- Publications et statistiques
- Publications
- N° 131 : La transformation numérique dan...
N° 131 : La transformation numérique dans le secteur bancaire français
L’ACPR a mené en 2017, et publié début 2018, deux études sur la révolution numérique, l’une consacrée au secteur de l’assurance et l’autre au secteur bancaire. Il a paru intéressant de reconduire ces deux études à quelques années de distance, afin d’apprécier les évolutions de ces deux secteurs. La présente étude, consacrée au secteur de la banque, s’est appuyée sur un questionnaire d’une cinquantaine de questions, proche du questionnaire de 2017-2018, envoyé à 8 établissements bancaires représentatifs du marché français.
Trois grandes évolutions caractérisent la transformation numérique en cours : en premier lieu, les attentes des clients, dont les usages digitalisés ont été confirmés par la récente crise sanitaire ; en deuxième lieu, le contexte concurrentiel – déjà fortement transformé dans le domaine du paiement - avec l’émergence effective de nouveaux acteurs, les « fintechs » et la perspective d’une présence accrue des « bigtechs » ; en dernier lieu, le développement même des nouvelles technologies, qui renouvellent les perspectives en matière d’analyse des données et de connexions avec d’autres acteurs, partenaires ou clients.
Dans l’analyse des risques et des opportunités, c’est bel et bien la première évolution qui est au cœur de la réflexion des établissements interrogés : la transformation numérique du secteur leur fait courir le risque d’une perte de la relation avec des clients dont ils ne parviendraient pas à satisfaire les nouveaux usages ; à l’inverse, elle leur permet d’envisager de nouvelles offres et des services de meilleure qualité. C’est donc naturellement dans ce domaine que les efforts des banques sont le plus notables - l’interaction en ligne est devenue la norme et les outils développés à cet effet ont considérablement progressé - et que les projets pour les années à venir sont les plus nombreux.
C’est aussi dans cette perspective qu’ils envisagent la compétition à venir avec les nouveaux entrants : déterminés à conserver la relation avec le client dans leur chaîne de valeur, ils doivent toutefois anticiper des scénarios où il sera nécessaire de composer avec leurs concurrents. La multiplication des acquisitions d’acteurs innovants (fournisseurs techniques, fintechs…) et des partenariats témoignel de cette volonté des banques d’anticiper les mutations du marché bancaire. Elle exige toutefois des efforts notables pour intégrer ces partenaires innovants à leurs processus et pour fonctionner en architecture ouverte – soit en distribuant des produits conçus par d’autres, soit en mettant à disposition, à la carte, leurs services bancaires. Ces modèles de banking-as-a-service ou de banking-as-a-platform - qui pourraient préfigurer une « plateformisation » du secteur bancaire ne sont toutefois pas unanimement adoptés par les banques, et jamais comme un objectif stratégique central.
En termes de technologies employées, les quatre années écoulées ont marqué une nette maturation des acteurs bancaires dans le développement puis le déploiement des outils d’intelligence artificielle : aux prototypes ont succédé, en maints endroits, des solutions opérationnelles qui contribuent à améliorer les relations avec les clients, à mieux identifier les risques ou encore à faciliter la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. A l’inverse, la maturation sur les technologies de registres distribués apparaît plus lente : très peu de cas d’usage se sont imposés. Elle se fait également de façon plus différenciée : une partie seulement des acteurs semble explorer activement le domaine, escomptant que la stabilisation du cadre règlementaire et l’apparition d’actifs tokenisés sûrs (monnaie numérique de banque centrale) permettront le développement massif des produits et services liés aux dispositifs d‘enregistrement électronique partagé (DLT - Distributed Ledger Technologies).
Au plan de la gestion des risques, la transformation numérique change également la donne, en accroissant certains risques et en offrant dans le même temps des outils pour mieux les identifier et les contrôler. Le risque cyber en est le meilleur exemple. Avec l’accroissement de la surface d’exposition au risque et la sophistication des cyberattaques, la sécurité est l’un des soucis majeurs des établissements interrogés ; cette préoccupation s’exprime tout au long des réponses au questionnaire. Dans ce contexte, le recours aux nouvelles technologies et aux méthodes informatiques à l’état de l’art peuvent être utiles au développement de solutions de sécurité performantes. L’intelligence artificielle, en particulier, est reconnue comme permettant de mieux détecter les attaques ou de traiter plus rapidement les contenus suspects. La lutte contre le blanchiment fait apparaître la même dialectique : d’une part, la fragmentation des chaines de distribution, la demande pour une entrée en relation totalement dématérialisée, l’usage croissant des crypto-actifs, sont des facteurs d’accroissement du risque de blanchiment, d’autre part, les progrès dans les technologies d’identification à distance, la disponibilité des données et la capacité de l’intelligence artificielle à détecter les comportements suspects ouvrent des perspectives pour une lutte contre le blanchiment plus efficace.
Pour ce qui est de la gouvernance, les organes de direction des banques sont généralement présentés comme très impliqués dans la définition des stratégies mises en œuvre : plusieurs établissements ont mis en place des comités spécifiquement consacrés au suivi des transformations en cours. Les effets financiers de ces transformations, notamment les réductions de coûts ou les augmentations de revenus à mettre en regard des investissements consentis, semblent toutefois difficiles à mesurer.
L’adaptation des systèmes informatiques est naturellement un enjeu majeur des stratégies de transformation numérique : la rationalisation des systèmes, le renforcement de leur résilience face à une menace cyber croissante et la recherche de modularité et de réactivité - qui se manifeste notamment par la multiplication des APIs et le recours croissant au cloud - en sont les principes cardinaux.
La transformation numérique n’est toutefois pas un simple processus technique ; elle impacte également fortement la gestion des ressources humaines par les transformations importantes qu’elle induit dans les métiers bancaires. Celles-ci font l’objet de mesures d’anticipation lors du recrutement - avec un enjeu particulier pour attirer des profils encore rares, elles nécessitent également un accompagnement au changement pour les collaborateurs déjà employés et la promotion d’une culture de l’innovation en interne.
Quatre ans après la première étude de l’ACPR portant sur la révolution numérique, cette étude sur la transformation numérique fait un constat qui justifie le glissement lexical : quoiqu’encore incomplète, la transformation numérique des banques est bien entamée. Ses effets sur le paysage, les produits et les innovations du secteur bancaire sont bien visibles. Dans le mouvement de mutation du secteur financier, caractérisé par une fragmentation croissante des chaines de valeur, les établissements bancaires demeurent aujourd’hui des acteurs majeurs : ils témoignent d’une maturité certaine sur les sujets numériques et disent aborder avec confiance la mutation de leurs modèles d’affaires.
Télécharger l'Analyse et synthèse N° 131
Mise à jour le 9 Janvier 2025