Elle vise à en préciser les modèles d’activité et se concentre sur deux aspects-clés : l’entrée en relation avec la clientèle et la rentabilité. Elle montre notamment que les néobanques peinent toujours, plusieurs années après leur création, à dégager des marges bénéficiaires.

Dans cette étude, le terme « néobanque » désigne les acteurs et les intermédiaires financiers, offrant des services bancaires en ligne ou accessibles par des applications 100 % mobiles. Ces acteurs sont portés par le progrès technologique et l’usage des nouvelles technologies numériques et digitales. Alors que l’entrée sur le marché bancaire est particulièrement difficile du fait des avantages concurrentiels dont bénéficient les banques traditionnelles, qui ont su capitaliser sur leur expérience et leur réputation pour fidéliser leur clientèle, ces nouveaux acteurs sont néanmoins parvenus à s’établir de façon durable sur ce marché, avec une croissance parfois spectaculaire du nombre de leurs clients.

Les néobanques présentent des modèles variés d’activité ou de statuts et offrent des services et des gammes de produits très différenciés. Afin d’en préciser les contours et d’analyser, de façon un peu plus précise, les déterminants de leur rentabilité, l’ACPR a conduit, à l’été 2019, une nouvelle enquête sur un échantillon d’une quinzaine de néobanques, dont la plupart avaient déjà participé à la précédente étude : Boursorama (Groupe Société Générale), EKO (Groupe Crédit Agricole), Hello Bank (Groupe BNP Paribas), ING Direct (Groupe ING), Monabanq (Groupe CM11-CIC), Orange Bank (Groupe Orange), Ma French Bank (Groupe La Banque Postale), Carrefour Banque, DITTO (lancée par Travelex mais dont les activités ont été arrêtées en février 2020), Nickel (Groupe BNP Paribas), Qonto, N26, Treezor (Société Générale), Fortunéo (Groupe Crédit Mutuel Arkéa).

Cette enquête a ensuite été complétée, dans la seconde partie de l’année 2019, par des entretiens bilatéraux avec certains de ces établissements. L’accent a, en particulier, été mis sur la question de la rentabilité, très largement liée à l’acquisition et à la fidélisation de clients actifs. L’entrée en relation avec la clientèle a également constitué un point d’attention.

Comme on peut le constater à partir de la liste ci-dessus, la plupart de ces néobanques dépendent directement du secteur bancaire traditionnel, soit parce que ce dernier les a acquises après quelques années d’existence, soit parce qu’il les a créées directement, parfois pour contrer l’apparition de nouveaux acteurs ou concurrencer les nouvelles offres (voir annexe 1 sur la nature des liens entre banques traditionnelles et néobanques). Cette situation de dépendance vis-à-vis du secteur bancaire traditionnel est très structurante, à la fois sur les déterminants de la rentabilité et également sur l’offre de produits (voir annexe 2).

En termes de modèles d’activité, la présente étude fait apparaître quatre grandes familles de néobanques : deux sont relativement plus anciennes, qu’il s’agissent des banques en ligne, généralement développées ou acquises par les banques traditionnelles, ou des banques de distributeurs, dont l’offre de services bancaires ou de paiement s’appuie sur un réseau physique non bancaire ; deux sont relativement plus récentes et en forte croissante, regroupant d’une part les « pure players mobiles », qui correspondent à des offres de services bancaires 100 % mobiles, et, d’autre part, des services bancaires à la carte, proposés par des Fintechs, et préfigurant l’offre de services financiers sur des plateformes digitales. Ces derniers acteurs sont généralement spécialisés sur les services de paiements tandis que les banques en ligne offrent une gamme de produits et de services financiers particulièrement étendue. Parmi les nouveaux acteurs, on note aussi l’apparition de stratégies de niches, en particulier à destination des petites et moyennes entreprises.

S’agissant de l’entrée en relation avec la clientèle, on note que la suppression de l’exigence systématique de vérification du domicile du client, préalablement à l’ouverture d’un compte, s’est accompagnée de l’utilisation de nouveaux outils de vérification d’identité à distance permettant de conserver un niveau élevé de sécurité. Cette évolution devrait permettre aux banques françaises de faciliter l’entrée en relation à distance et de supprimer ainsi les distorsions concurrentielles auparavant présentes sur le territoire.

Deux points principaux se dégagent de l’analyse de la rentabilité des néobanques :

  • Tout d’abord, les néobanques peinent à être rentables et la plupart des institutions interrogées ne parviennent pas encore, à ce jour, à dégager des résultats nets positifs. Cette situation caractérise notamment les établissements qui subventionnent les nouveaux clients, soit par l’octroi de primes au moment de l’ouverture d’un compte en ligne, soit en raison des abondements versés à l’occasion du parrainage de nouveaux clients. Des investissements importants pour développer une infrastructure informatique intégrant les dernières innovations technologiques et en assurer la robustesse opérationnelle, y compris contre le risque de fraudes ou de cyberattaques, et des anticipations parfois très optimistes en termes de progression de la clientèle sont les principaux facteurs explicatifs de la difficulté à dégager de la rentabilité. Les nouveaux acteurs, plus agiles, semblent en revanche y parvenir ou s’en approcher. Ces derniers se financent principalement par des levées importantes de fonds mais qui peuvent conduire à des valorisations très importantes des clients, parfois sans commune mesure avec les revenus nets dégagés par tête.

  • Toutefois, on constate une amélioration progressive de la rentabilité au cours du temps, avec une réduction de la dispersion des résultats entre néobanques, sans doute liée à l’amortissement progressif des investissements lourds initiaux. L’un des enjeux importants pour ces néobanques reste la nécessité d’acquérir et de conserver des clients actifs.

La présente étude conclut par une mise en perspective de certaines caractéristiques du paysage bancaire français (subsistance d’un réseau encore très dense d’agences bancaires, importance du rôle du conseiller-client, absence de véritables plateformes de services financiers) au regard des nouvelles pratiques de la clientèle. Réalisée avant la période de confinement liée à la crise sanitaire du Covid-19, il est cependant beaucoup trop tôt pour voir si cette dernière aura un impact durable sur le comportement des clients, marqué par un recours accru aux services en ligne, ou sur les structures du marché.

Enfin en termes méthodologiques, il est à noter que cette étude s’appuie sur une collecte de données statistiques ad hoc dont on peut déplorer la mauvaise qualité pour une majorité d’établissements interrogés, ce qui peut surprendre de la part d’acteurs du digital, dans la mesure où la maîtrise de la donnée et de la connaissance client constituent des éléments-clés du développement stratégique et de la rentabilité. Toutefois le caractère volontaire de cet exercice, la dimension stratégique des données requises ou encore l’organisation institutionnelle et la gouvernance des risques au sein de certains de ces établissements expliquent sans doute cette situation. Par ailleurs, certains établissements sollicités par l’Autorité n’ont pas donné suite. Dans les deux cas de figure, une amélioration de la qualité de l’information est indispensable, à la fois pour des raisons de protection de la clientèle et dans une perspective de stabilité financière.

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Mise à jour le 26 Février 2025