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N° 152 : Le financement des professionnels de l’immobilier en 2022
Au niveau mondial, selon les statistiques publiées par CBRE, les investissements en immobilier d’entreprise, qui avaient marqué un net rebond en 2021 (+63,1 %) après leur repli de 2020 (-22,5 %), ont reculé à nouveau en 2022 (-18,4 % ; Graphique 1). Ce recul demeure plus marqué dans la zone regroupant l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique (-24,1 %).
En France, le marché de l’immobilier commercial est resté dynamique en 2022. D’après les données publiées par BNP Paribas Real Estate, après deux années consécutives de recul en 2020 et 2021, l’investissement en immobilier d’entreprise en France a enregistré un rebond en 2022 (+6,2 % par rapport à 2021), avec notamment d’importants volumes d’investissements réalisés au 2e et 3e trimestres (Graphique 2). D’après les données publiées par Immostat, la demande placée de bureaux en Île-de-France a par ailleurs poursuivi sa hausse en 2022 (Graphique 4), ainsi que l’offre immédiate de bureaux mais à un rythme néanmoins plus lent que celui de la demande (Graphique 5), d’où une baisse du délai d’écoulement en 2022.
On observe toutefois un retournement du marché à partir du T4-2022. Dans un contexte macroéconomique toujours incertain et de changements structurels affectant le secteur (essor du télétravail, du commerce en ligne…), les conditions de financement se sont resserrées. L’’investissement a reculé au T4-2022 (-42,4 % par rapport au T4-2021). Ce recul s’est poursuivi au T1- 2023 (-24,6 % par rapport au T1-2022). Les performances restent cependant disparates selon les classes d’actifs (Graphique 3) : les investissements dans l’immobilier de bureaux s’inscrivent en nette baisse par rapport à leurs moyennes décennales ; de même, les investissements dans les locaux d’activité et l’immobilier logistique ont chuté au T1-2023. A l’inverse, les investissements dans le secteur du commerce sont en forte croissance et le secteur de l’hôtellerie semble sortir de la crise, avec un rebond des investissements au T1-2023.
La demande placée de bureaux en Île-de-France a également reculé au T4-2022 (-3,7 % par rapport au T4-2021) avant de chuter au T1-2023 (-38,8 % par rapport au T1-2022) alors que l’offre immédiate de bureaux en Île-de-France est au plus haut au T1 2023. Ce déséquilibre entraîne une remontée du délai d’écoulement au T1-2023 (+3 mois à 2,3 ans).
Enfin, d’après les statistiques publiées par Immostat, le prix au mètre carré des investissements en bureaux en Île de France a reculé de 2,5 % en 2022 et cette tendance s’est poursuivie au T1- 2023 (-2,3 % par rapport au T4-2022 ; Graphique 7). Les loyers des bureaux se sont maintenus à de hauts niveaux en 2022 (+1,7 % pour les biens neufs ou restructurés et +5,8 % pour les biens de seconde main ; Graphique 8), grâce notamment à un taux de mesures d’accompagnement qui reste très élevé (24,4 % en moyenne en 2022 ; Graphique 9). Les loyers des bureaux pour les biens de seconde main reculent en revanche de 2,1 % au T1-2023.
Dans ce contexte, d’après les données remises par les cinq principaux groupes bancaires français dans le cadre de l’enquête de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), la production de concours aux professionnels de l’immobilier s’est inscrite en légère hausse en 2022 (+1,7 % par rapport à 2021 ; Graphique 10) grâce à une production record au premier semestre (S1) et en dépit d’un léger recul au S2 (-4,8 % par rapport au S2-2021).
L’évolution de la structure de la production traduit une certaine normalisation du marché, les segments affectés par la crise sanitaire (biens localisés à l’étranger, immobilier de bureaux et investisseurs) voyant leur part dans la production remonter :
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les biens localisés en France restent majoritaires dans la production mais leur part relative recule légèrement (-2,7 points de pourcentage (pts) à 62,3 % par rapport à 2021, Graphique 11) au profit des biens localisés à l’étranger (+2,7 pts à 37,7 %), notamment dans le reste de l’Europe (+2,5 pts à 24,7 %) ;
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l’immobilier résidentiel reste prépondérant mais sa part dans la production recule (-2,8 pts à 40,6 % ; Graphique 17), au profit notamment des locaux d’activité (+1,4 pt à 9,9 %) et de l’immobilier de bureau (+1,7 pt à 18,8 %) bien que la part de ce dernier segment n’ait toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire ; - Les investisseurs restent majoritaires et leur part dans la production progresse (+0,6 pt à 53,3 % ; Graphique 14), tandis que celle des promoteurs et marchands de biens recule (-0,8 pt à 45 %).
Les expositions brutes globales des banques françaises aux professionnels de l’immobilier ont encore augmenté de 6,7 % en 2022, contre 9,3 % en 2021 (Graphique 20). La hausse relativement soutenue des expositions en 2022 s’explique notamment par le dynamisme de la production au S1-2022. En valeur relative, ces expositions continuent de s’inscrire en hausse par rapport aux fonds propres totaux (+3,6 pts à 57,6 % ; Graphique 21) mais restent modestes par rapport au total de bilan (+0,1 pt à 3,3 %).
Enfin, les indicateurs de risque continuent d’être bien orientés :
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La part des opérations avec un taux de pré-commercialisation nul continue de refluer après son point haut du S1 2021, atteignant 26,4 %en 2022 (-6,6 pts par rapport à 2021 ; Graphique 44).
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La part des concours avec un ratio prêt / valeur du bien financé (loan to value – LTV) < 60 % reste prédominante à 75,7 % en décembre 2022 (Graphique 55) ; celle des concours avec un ratio de couverture des intérêts (interest coverage ratio - ICR) ≥ 2 reste très largement majoritaire à 79,2 % en décembre 2022 (Graphique 58), de même que celle des opérations avec un ratio de couverture du service de la dette (debt service coverage ratio - DSCR ≥ 1,5 (60,5 % en décembre 2022 ; Graphique 61).
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La durée initiale des concours a légèrement augmenté (+1 mois à 4,1 ans ; Graphique 41) mais reste relativement plus courte que sa moyenne depuis 2015 ; de son côté, la durée résiduelle a légèrement reculé (-1 mois à 3,7 ans ; Graphique 46) ;
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Le taux d’expositions douteuses brutes recule à son plus bas niveau, au global (2 % en décembre 2022, soit -7 points de base (bps) par rapport à décembre 2021 ; Graphique 29), ainsi que le taux de crédits restructurés (-17 bps à 1,16 % ; Graphique 34).
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Sur la même période, le taux de provisionnement baisse également de 1,3 pt à 35,8 % (Graphique 36), notamment en raison du passage en pertes d’anciens dossiers fortement provisionnés ;
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Enfin, le taux de pondération moyen des expositions a diminué (-1,7 pt à 55,8 % ; Graphique 64), sous l’effet principalement de la hausse des expositions traitées en méthode notations internes ; néanmoins, le taux de pondération de ces dernières expositions, plus sensibles aux risques sous-jacents, a augmenté de 4,8 pts sur la période - les banques qui utilisent des modèles internes estiment donc que leur qualité s’est détériorée.
En dépit de ce diagnostic qui reste globalement positif, les banques doivent rester particulièrement vigilantes face aux développements en cours dans un secteur qui montre clairement des signes de retournement. Elles devront en particulier veiller à procéder à un suivi rapproché de leurs risques au regard notamment de la valorisation ou de la situation locative des biens financés, et à traduire sans délai dans leurs bilans et leurs comptes de résultat toute dégradation de la qualité de leurs expositions sur les professionnels de l’immobilier.
Par ailleurs, afin de disposer d’une vision plus précise des risques auxquels les banques sont exposées et à une fréquence resserrée et de satisfaire une recommandation du Conseil européen du risque systémique, l’ACPR a engagé une refonte de son enquête qui entrera en vigueur au second semestre 2023.
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Mise à jour le 8 Janvier 2025