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N° 151 : Le financement de l’habitat en 2022
Après plusieurs années de forte croissance des prix et du nombre de transactions, le marché de l’immobilier résidentiel français a marqué une inflexion en 2022 dans un contexte de remontée des taux d’intérêt.
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Entre le quatrième trimestre 2021 (T4-2021) et le T4-2022, l’indice INSEE des prix dans l’ancien a continué de progresser mais à un rythme moins soutenu de 4,5 % en métropole (contre 7,2 % en 2021), avec des divergences entre la Province (+5,7 %), l’Île-de-France (+1,3 %) et Paris (-1,1 % ; Graphique 1). Le ralentissement se confirme au T1-2023, avec des prix qui progressent globalement de 2,6 % en métropole sur un an ;
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le nombre de transactions annuelles atteint 1 109 000, un chiffre en baisse de 5,4 % par rapport au pic historique de 2021, mais qui reste légèrement plus élevé que la moyenne des 3 dernières années (1 091 667 entre 2019 et 2021 ; Graphique 2) ;
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la hausse des taux de marché s’est en partie répercutée sur les taux des crédits à l’habitat, qui ont doublé en 2022 pour atteindre 2,12 % en décembre, leur plus haut niveau depuis mars 2016 (Graphique 4). Les taux des prêts à l’habitat demeurent cependant plus bas en France que dans les autres principaux marchés de la zone euro (Graphique 3) ;
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la production annuelle de crédits à l’habitat s’est élevée à 259,7 milliards d’euros en 2022, soit une baisse de 5,1 % par rapport à 2021 (Graphique 6). Hors rachats et renégociations, la production de nouveaux crédits a atteint 217 milliards en 2022, un chiffre en baisse de 3,4 % par rapport à 2021, mais qui reste supérieur à la moyenne des 3 dernières années (203,5 milliards). La baisse de la production a été plus forte à compter du T4 (-18,9 % par rapport au T4-2021), une tendance qui se poursuit au T1-2023, avec une production en recul de 33 % par rapport au T1-2022. Si l’on place ces chiffres sur une perspective historique plus longue, on observe que la production du premier trimestre 2023 n’est que très légèrement inférieure à la production trimestrielle moyenne sur 2013-2022 (-0,4 %), l’évolution reflétant donc pour une grande part une normalisation du marché ;
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la part des rachats et renégociations a continué de reculer de 1,5 point de pourcentage (pt) à 16,4 % (0) ;
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au total, les crédits accordés aux ménages pour le financement de l’habitat sont restés abondants : les encours de prêts à l’habitat en France ont enregistré une croissance de 5,5 % sur l’année, contre 6,8 % un an plus tôt (Graphique 9), tandis que les autres crédits aux particuliers progressaient de 5,1 % ;
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enfin, les prêts ayant pour objet l’acquisition d’une résidence principale restent largement prédominants : ils ont représenté 77,6 % des nouveaux crédits en 2022, en hausse de 0,6 pt par rapport à 2021, du fait de l’augmentation de la part des prêts aux primo-accédants (+3,7 pts à 36,7 % ; Graphique 11).
Le niveau de dette des ménages français se maintient à un niveau élevé et supérieur à ceux des autres pays européens : en décembre 2022, celui-ci atteint 101,1 % du revenu disponible brut (Graphique 19), un chiffre en baisse de 0,4 pt par rapport à décembre 2021 mais qui reste supérieur à la moyenne de la zone euro (94,2 %), laquelle recule plus rapidement (-2,8 pts par rapport à décembre 2021).
Les évolutions de ce niveau de dette ont notamment été prises en considération par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) pour décider la mesure macro-prudentielle mise en œuvre à partir de janvier 2022, après une phase de recommandation ayant débuté en janvier 2020.
Cette mesure a permis d’améliorer plusieurs facteurs de risque mesurés à l’octroi, amélioration qui s’est poursuivie en 2022. Les données collectées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) montrent en effet une réduction de la part dans la production nouvelle des crédits les plus risqués. Ainsi entre 2021 et 2022 :
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la part des prêts dont la maturité excède 25 ans a reculé de 0,8 pt à 6,0 % (Graphique 27) ;
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la part des prêts aux ménages dont le taux d’effort excède 35 % a reculé de 5,3 pts à 13,7 % (Graphique 33), compensée par la hausse de la part des prêts dont le taux d’effort est compris entre 33 % et 35 %, laquelle est passée de 13,8 % à 19,9 % (+6,1 pts) ; l’accroissement de la production relevant de cet intervalle de taux d’effort reflète également l’effet de la hausse des taux d’intérêt combinée à l’augmentation du montant moyen des prêts, qui conduisent un nombre croissant d’opérations à être structurées au maximum de la limite établie par la mesure du HCSF ;
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le rapport entre le montant du prêt et la valeur des biens financés à l'octroi (loan to value ou LTV) a diminué de 0,2 pt à 83,1 % (Graphique 37) tandis que celle des prêts dont la LTV excède 100 % a reculé de 1,7 pt à 22,9 % (Graphique 41).
Ainsi, la part des prêts qui dépassent les seuils fixés par la décision du HCSF s’élevait globalement à 14,5 % au T4-2022, un pourcentage qui s’inscrit à l’intérieur de la marge de flexibilité de 20 % admise par la décision (Graphique 43), tous les grands réseaux bancaires respectant individuellement cette limite.
L’évolution des critères d’octroi moyens des nouveaux crédits présente par ailleurs les évolutions suivantes sur l’année 2022 :
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Le montant moyen des prêts continue d’augmenter, à un rythme de 8,9 % sur un an pour atteindre 210 000 euros (Graphique 20).
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La durée moyenne s’accroît, de 5,3 mois à 22,2 ans, l’allongement des maturités dans le respect du plafond de 25 ans facilitant le respect par les emprunteurs du taux d’effort maximal fixé par le HCSF (Graphique 23).
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Le taux d’effort moyen poursuit son recul, de 0,2 pt à 29,9 % (Graphique 29).
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Après une hausse de 1,4 mois en 2021, le taux d’endettement s’est replié de 0,7 mois à 5,1 années de revenus en 2022 (Graphique 34).
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La LTV moyenne baisse de 0,2 pt à 83,1 % (Graphique 37).
Si l’on recentre l’analyse sur la période la plus récente afin de capturer les effets de la remontée des taux d’intérêt, on observe cependant une inflexion de certains de ces conditions d’octroi. Ainsi entre le T2-2022 et le T1-2023 :
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Le montant moyen des prêts recule de 3,8 % à 202 000 euros, reflétant la baisse mécanique de la capacité d’emprunt d’une partie des emprunteurs.
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La durée moyenne se stabilise à 22,3 ans (+1,6 mois).
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Le taux d’effort moyen augmente de 0,6 pt à 30,4 %, traduisant la progression de la charge d’intérêt. La part des prêts dont le taux d’effort excède 35 % remonte légèrement (+0,4 pt à 13,6 %).
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La baisse du montant moyen des prêts, combinée à la stabilisation la durée moyenne entraînent une accélération de la baisse du taux d’endettement (-4,3 mois à 4,8 ans), cet indicateur n’intégrant toutefois pas la charge d’intérêt.
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La baisse de la LTV moyenne s’accélère (-3,2 pts à 80,5 %), reflétant une plus forte mobilisation de l’épargne dans le financement des nouvelles opérations.
Le marché français des crédits à l’habitat bénéficie de fondamentaux qui restent sains ; en particulier :
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ces crédits sont presque exclusivement octroyés à taux fixe (99,2 % de la production en 2022 et 97,7 % de l’encours en fin d’année), limitant ainsi les risques liés à la remontée des taux sur la solvabilité des emprunteurs (Graphique 14 et Graphique 15) ;
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la quasi-totalité de l’encours (96,8 %) bénéficie d’une garantie, notamment de type caution ou hypothèque, permettant de limiter les pertes pour les banques en cas de défaut d’un emprunteur (Graphique 17) ; la part de l’hypothèque est minoritaire, ce qui réduit les risques pro-cycliques de contagion d’une éventuelle détérioration rapide de la solvabilité des emprunteurs sur les prix de marché ;
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la politique d’octroi repose en outre sur l’appréciation de la solvabilité de l’emprunteur, mesurée notamment par le taux d’effort à l’octroi tel qu’encadré par le HCSF, et non sur la valeur de marché du bien financé, limitant ainsi les phénomènes d’amplification financière.
Au total, les risques demeurent contenus, comme en témoigne la faible sinistralité des crédits :
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les passages en défaut sur 12 mois ont représenté 0,40 % de l’encours au T4-2022, soit une légère hausse de 4 points de base (bps) par rapport au T4-2021 (Graphique 46) ;
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le taux d’encours douteux recule de 12 bps par rapport à 2021 à 0,95 % au 31 décembre 2022, son plus bas niveau depuis 2009 (Graphique 48) ;
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le coût du risque reste quant à lui très limité, à 1 bp en 2022 (Graphique 56).
Cette sinistralité réduite observée historiquement se reflète dans les taux de pondération mesurés par les modèles internes des banques pour le calcul de leur ratio de solvabilité. D’un niveau structurellement faible, les pondérations moyennes ont légèrement augmenté (+0,6 point sur 12 mois à 10,2 % en juin 2022). Afin de comparer ces pondérations moyennes avec d’autres marchés européens, il convient d’ajouter les exigences réglementaires applicables aux garants sur les mêmes encours. Un calcul partiel peut être réalisé en tenant compte de la couverture des risques par Crédit Logement, qui est également soumis à la réglementation prudentielle bancaire. Sur cette base, la pondération moyenne des encours de prêts à l’habitat octroyés par les banques françaises ressort dans la moyenne européenne, ce qui suggère que la couverture en capital des crédits à l’habitat français est globalement comparable à ce qui est observé dans les principaux autres pays européens (Graphique 58).
Si les indicateurs de suivi du risque de crédit sont globalement orientés positivement, l’analyse de la rentabilité intrinsèque des prêts à l’habitat demeure un point d’attention dont l’acuité s’est accrue dans le contexte de hausse des taux d’intérêt. L’exploitation des reportings mis en place à la demande du HCSF pour suivre la tarification du crédit immobilier fait apparaître que les marges à l’octroi telles que déclarées par les établissements sont négatives depuis début 2022 et se sont creusées au cours de l’année (Graphique 60). Cette évolution notable s’explique par la forte hausse du coût de refinancement mesuré sur la base des taux de cession interne (TCI), passés de 0,63 % au T4-2021 à 3,1 % au T4-2022 (+2,5 pts), tandis que la hausse des taux d’intérêt des nouveaux crédits a été plus limitée (+75 bps à 1,79 %).
Ce constat doit toutefois être nuancé par le fait que le TCI est un indicateur analytique déterminé par chaque banque qui, s’il est en grande partie lié aux conditions de refinancement de l’établissement sur le marché, ne reflète pas nécessairement le coût effectif de refinancement des crédits. Les banques bénéficient en effet notamment de dépôts non rémunérés de la clientèle dont la partie stable permet de financer les crédits à un coût inférieur au coût de marché. L’un des facteurs ayant en outre pu accentuer la baisse des marges est la relative inertie des taux facturés à la clientèle, compte tenu des pressions concurrentielles et du délai entre l’offre de crédit et sa mise en place effective, alors que les conditions de refinancement peuvent au contraire évoluer à très court terme. Les banques ont pu également, sur certains segments de clientèle, être confrontés à la limite légale constituée par le taux de l’usure dont le niveau est cependant revu mensuellement depuis plusieurs mois pour rendre compte plus régulièrement et plus tôt des conditions observées sur les nouveaux prêts. L’évolution des marges à l’octroi, continue d’être examinée avec attention par l’ACPR. On observe à cet égard un début de redressement des marges au T1-2023, le taux d’intérêt moyen (+48 bps à 2,27 %) augmentant plus rapidement que le TCI moyen (+35 bps à 3,46 %).
Au total, le marché des prêts à l’habitat a connu en 2022 un début de normalisation après plusieurs années de développement très dynamique, favorisé par un niveau historiquement faible des taux d’intérêt. La hausse rapide des taux, qui n’avait pas été anticipée, a pesé sur la demande qui est le principal facteur de ralentissement de la croissance des encours et de baisse de la production. Les conditions de financement demeurent malgré tout plus favorables en France que dans les pays européens proches, et les encours ont continué de progresser. Dans le même temps, les conditions d’octroi moyennes, guidées par la norme décidée par le HCSF, sont de nature à maintenir un niveau de risque maîtrisé. Du point de vue de la rentabilité des opérations, la hausse des taux d’intérêt sur la production nouvelle devrait à terme permettre aux banques d’améliorer le niveau de leurs marges réalisées directement sur leurs encours de prêts à l’habitat.
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Mise à jour le 8 Janvier 2025