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Mise en place des nouvelles règles de gouvernance dans le secteur de l’assurance : perspective et bilan
Depuis 2015, les règles de gouvernance applicables aux établissements supervisés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ont été profondément modifiées. La directive 2009/138/CE sur l’accès aux activités d’assurance et de réassurance et leur exercice (directive « Solvabilité II »), entrée en vigueur le 1er janvier 2016, a fixé un cadre précis et détaillé pour l’organisation et le fonctionnement des organes de direction des organismes d’assurance.
Parallèlement, les autorités de régulation européennes ont publié des orientations/textes visant à préciser les attentes des superviseurs en la matière.
Dans ce contexte, la présente publication a pour objet de revenir sur ces changements et sur le bilan que l’ACPR en tire cinq ans après la mise en œuvre de ces nouvelles règles.
Les constats s’appuient sur l’analyse d’une importante documentation collectée auprès des établissements concernés ainsi que sur des entretiens tenus avec des dirigeants et des responsables de fonctions de contrôle des établissements supervisés et avec des membres de leur organe de surveillance (président du conseil d’administration et/ou président du comité des risques). La méthode utilisée est exposée en annexe de cette publication.
Cette revue ne constitue pas un inventaire exhaustif et détaillé de toutes les dispositions réglementaires, de droit européen et de droit national, relatives à la gouvernance des organismes d’assurance. Son objectif est de souligner les points de rupture les plus importants par rapport aux dispositions antérieures et de rappeler les efforts qui ont été déployés par les organismes d’assurance pour se conformer à ces nouvelles règles. Elle permet également, à la lumière de cas concrets auxquels l’ACPR a été confrontée, de recommander de bonnes pratiques qui permettront aux entités supervisées d’améliorer leur dispositif de gouvernance.
Les principaux points d’attention et orientations à retenir de cette revue sont les suivants.
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Le nouveau cadre réglementaire en matière de gouvernance est fixé par une directive qui s’impose à tous les assureurs européens quel que soit l’environnement juridique et culturel dans lequel ils développent leurs activités. Or les situations sont à cet égard très différentes d’un pays membre de l’Union européenne (UE) à l’autre. Cette diversité, observée au niveau européen, existe aussi au sein du marché français. Les organismes supervisés par l’ACPR présentent ainsi des profils très divers qui varient fortement en fonction de leur taille, de la nature de leurs activités ou du code auquel ils sont soumis (Code des assurances, Code de la mutualité ou Code de la sécurité sociale).
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Les sujets de gouvernance sont un domaine où le principe de proportionnalité trouve particulièrement à s’appliquer. Si la réglementation et les bonnes pratiques de gouvernance concernent tous les établissements, elles revêtent une importance particulière dans les groupes complexes ou de grande taille. C’est pourquoi, l’ACPR s’attend à ce que les groupes les plus importants, qu’ils appartiennent au secteur capitaliste, au secteur mutualiste ou à celui des institutions de prévoyance, se réfèrent dans le choix de leur système de gouvernance aux standards de marché les plus exigeants.
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La réglementation prudentielle met l’accent sur les nouvelles missions de l’organe de surveillance dans la gestion des risques. Elles ont été considérablement élargies et renforcées, mais il est important de rappeler que ces nouvelles responsabilités ne diminuent en rien le rôle essentiel, même s’il est plus ou moins étendu selon les formes de société, que les conseils d’administration ou les conseils de surveillance doivent continuer de jouer pour fixer les orientations stratégiques de l’entreprise et prendre les décisions de gestion qui leur incombent.
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La séparation des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général de l’entreprise est une bonne pratique de gouvernance de plus en plus répandue dans les grandes entreprises. Si la séparation est obligatoire dans le secteur bancaire européen, il n’existe pas de règle formelle dans le secteur de l’assurance qui interdise le cumul des fonctions de président de l’organe de surveillance et de celles de directeur général. Ainsi, même si le principe de la séparation est inscrit dans les orientations internationales et européennes, tous les pays membres de l’UE, comme la France, n’en ont pas fait une obligation réglementaire.
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En l’absence de textes contraignants, l’ACPR recommande la séparation à tous les organismes qu’elle supervise et s’attend à ce qu’elle soit la norme dans les sociétés cotées et dans les groupes d’assurance de grande taille. La séparation doit alors être mise en œuvre au niveau de la société de tête du groupe et ce quelle que soit sa forme juridique : société anonyme (SA), société d’assurance mutuelle (SAM), union mutualiste de groupe (UMG), société de groupe d’assurance de protection sociale (SGAPS) ou société de groupe d’assurance mutuelle (SGAM).
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Dans le Code de la mutualité, les dispositions réglementaires imposent même le cumul des fonctions dans la mesure où le président du conseil d’administration est de droit dirigeant effectif. Si l’on peut comprendre les raisons historiques et culturelles qui expliquent cette situation, force est de constater qu’elle ne permet pas d’organiser de façon efficace et optimale le système de gouvernance des groupes prudentiels rassemblant des entités relevant de codes différents. L’ACPR estime qu’une adaptation de la réglementation sur ce point est nécessaire.
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La réglementation souligne l’importance du critère de l’expérience et de la compétence tant pour le choix des administrateurs et membres des organes de surveillance que pour celui des dirigeants effectifs et des responsables de fonctions clés. Lorsque le superviseur juge insuffisante ou inadaptée l’expérience professionnelle d’un candidat à une fonction exécutive, il s’oppose à la nomination ou la conditionne à un programme de formation complémentaire. S’agissant des membres de l’organe de surveillance, le critère retenu est celui de la compétence collective. L’efficacité du système de gouvernance d’un organisme d’assurance dépend très largement de la manière dont l’organe de surveillance joue son rôle. Ainsi, il sera mieux préparé à prendre les décisions qui sont de son ressort si ses membres disposent d’une bonne compréhension des métiers de l’entreprise et de la réglementation. De la même façon, il exercera mieux ses fonctions si ses membres disposent de la légitimité que leur confère la clarté du processus de sélection qui a conduit l’assemblée générale à approuver leur nomination. Dans la pratique, il n’existe toutefois ni définition du niveau optimal de la compétence collective de l’organe de surveillance, ni de façon objective d’apprécier la légitimité de ses membres. Cela dépend de la forme sociale des organismes, de la nature de leurs activités et des spécificités de leur mode de fonctionnement. C’est pourquoi le superviseur n’est pas, dans ces domaines, normatif. Il s’attend par contre à ce que les organismes supervisés déterminent leurs objectifs et les moyens de les atteindre et décident comment ils souhaitent organiser et formaliser le processus de sélection, de nomination et de formation de leurs administrateurs.
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Le respect des procédures prévues par les textes pour l’approbation par les organes sociaux des politiques écrites, du niveau d’appétence aux risques, de l’ORSA (own risk and solvency assessment ou évaluation interne des risques et de la solvabilité) ou des rapports des responsables de fonctions clés, est nécessaire. Mais ce respect ne doit pas être purement formel. Les décisions prises en matière de gestion des risques sont très engageantes. Elles doivent par conséquent être prises par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance après un vrai débat et des échanges avec les dirigeants effectifs. Il est en effet essentiel que l’organe de surveillance se forge sa propre opinion et mesure les véritables enjeux pour l’entreprise des orientations qu’il arrête.
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Pour faire face à une concurrence accrue et améliorer leur compétitivité, de nombreux organismes (mutuelles du Code de la mutualité, institutions de prévoyance ou sociétés d’assurance mutuelle) se sont engagés dans des processus de rapprochement. Ils ont besoin d’atteindre la taille critique sur leur marché et ont constitué à cet effet des groupes prudentiels (UMG, SGAM ou SGAPS). Au sein de ces groupes, les entités affiliées se donnent pour objectif, tout en conservant une certaine autonomie, de rationaliser et d’intégrer progressivement leurs systèmes d’information et de gestion ainsi que les moyens humains sur lesquels elles s’appuient.
L’efficacité et le bon fonctionnement de leur système de gouvernance est un élément clé pour le succès de ces groupes prudentiels. Les défis qu’ils ont à relever sont nombreux car l’organisation de ces groupes est souvent complexe. Un équilibre doit être trouvé entre des impératifs qui peuvent paraître contradictoires. Pour conduire les restructurations nécessaires, les organes dirigeants de ces nouveaux ensembles doivent disposer d’une légitimité et d’une autorité suffisantes. Mais les structures de gouvernance de chacune des entités qui les composent doivent aussi jouer pleinement leur rôle et être associées à la fixation de la stratégie, des politiques et des objectifs car les orientations arrêtées par le groupe les engagent. Ils doivent s’y conformer tout en continuant de prendre, au niveau de l’entité qu’ils dirigent, les responsabilités qui sont de leur ressort.
Le choix du système de gouvernance de ces groupes prudentiels est par conséquent un enjeu majeur qui doit à la fois répondre aux exigences du cadre réglementaire prudentiel, et contribuer à la cohésion des différentes composantes du nouvel ensemble. C’est pourquoi les dispositions à adopter pour se conformer à la réglementation doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie en concertation étroite avec les services de l’ACPR.
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Mise à jour le 28 Février 2025