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InterventionSous-gouverneur de la Banque de France

À quoi ressemblera la banque du XXIè siècle ?

Crypto Finance Forum « Le futur de la France est à votre portée »

19 juillet 2021

Introduction de Denis Beau, Premier sous-gouverneur

 

Pour lancer notre discussion sur la banque du 21ème siècle, je voudrais faire trois constats et vous proposer un pronostic.

1.    Le modèle de la banque universelle, particulièrement fort en France, sous la forme de grands groupes de bancassurance intégrés qui cumulent les fonctions de collecte des dépôts et de distribution du crédit et offrent une large gamme de services financiers, a montré sa robustesse pendant les deux grandes crises traversées depuis le début du siècle.

Non seulement notre secteur bancaire a fait preuve de résilience mais dans la crise du Covid, il a aussi été en mesure de répondre aux besoins de financement et de trésorerie des entreprises, et de contribuer très activement au déploiement des mesures de soutien décidées par le Gouvernement et la Banque Centrale Européenne.

2.    Le dynamisme des acteurs financiers non bancaires de l’intermédiation financière (sociétés d’assurance, fonds…) depuis la crise financière de 2008.
Il s’est traduit par le développement du financement non bancaire, qui a progressé dans la Zone euro à un rythme annuel de 7,5% en moyenne. Depuis 2002, la part des crédits bancaires dans l’endettement de la Zone euro a été divisée par deux et ne représentait plus que 37% de l’endettement de la Zone euro en 2019.

De mon point de vue de banquier central chargé de veiller à la stabilité financière et au bon financement de l’économie, cette diversification des sources de financement de l’économie réelle est la bienvenue.

3.    L’impact, qui s’annonce différencié, de nouveaux acteurs dans l’écosystème de l’intermédiation financière
Parmi ces nouveaux acteurs, figurent au premier rang les entreprises technologiques. Le modèle de ces entreprises se fonde sur la décomposition des activités de la banque universelle traditionnelle en une série de fonctions essentielles distinctes, telles que l’acheminement des paiements, la fourniture de financements, le partage des risques et la répartition des capitaux.
Leur impact sur l’intermédiation financière de ces nouveaux acteurs va très vraisemblablement être différencié selon que l’on considère les start-ups ou les Bigtechs.

Pour les start-ups, leur rôle sera probablement déterminé par l’alternative suivante, car elles n’ont pas les ressources suffisantes pour « supplanter » les acteurs en place : coopérer, voire passer sous le contrôle d’un acteur établi ou entrer en concurrence sur des segments de niche, tel que le financement participatif, l’activité de prêt en ligne ou les paiements.

Pour les Bigtechs, l’impact peut être tout autre, car elles disposent de ressources financières massives, d’une forte image de marque, d’une clientèle constituée à l’échelle mondiale et un accès privilégié aux technologies de pointe.

4.    Peuvent-elles pour autant éliminer l’intermédiation bancaire, si l’on se projette à long terme ? Cette question m’amène à mon pronostic pour conclure mon intervention.

Il me semble qu’au lieu d’éliminer l’intermédiation bancaire, la concurrence exercée sur les banques par les acteurs financiers non bancaires et par les entreprises technologiques, ainsi que la réaction des banques à ce nouvel environnement concurrentiel, va probablement conduire à une redistribution des cartes de l’intermédiation financière, autour de la combinaison de plusieurs modèles qui incluraient : 
-    Le modèle traditionnel d’intermédiation bancaire
-    Le modèle d’intermédiation financière non bancaire mis en œuvre par le secteur de la gestion d’actifs
-    Un modèle dit « re-intermédié » dans lequel Fintechs et Bigtechs jouent le rôle d’intermédiaire pour les banques, vis-à-vis de la clientèle de détail en particulier
-    Un modèle intégralement désintermédié reposant sur la technologie Blockchain

Je ne me hasarderai pas à pronostiquer le poids qu’aura le modèle traditionnel d’intermédiation bancaire, à l’issue de cette transformation. Cela dépendra notamment de la capacité des banques à relever les défis en particulier de rentabilité, et technologiques auxquels elles sont confrontées, et à adapter les services qu’elles offrent à l’ère du numérique mais aussi de la lutte contre le changement climatique.
En revanche, cette transformation me paraît clairement impliquer une évolution de notre cadre réglementaire pour l’ensemble des activités qui contribueront à l’intermédiation financière à l’avenir.
Ces transformations, dans la mesure où elles s’accompagneront effectivement de meilleures expériences utilisateurs et d’un financement plus diversifié de l’économie, auront un impact positif sur l’efficacité et la stabilité de notre système financier. Mais elles sont aussi porteuses de risques, qui doivent être maîtrisés. Cela implique notamment de revoir le périmètre et le contenu de certaines réglementations pour assurer à la fois un cadre réglementaire favorable à l’innovation, neutre vis-à-vis des technologies et qui garantissent un traitement approprié et homogène des risques à travers le système financier selon le principe « même activité, même risque, mêmes règles ».
(ex : acteurs financiers non bancaires, prestataires de services technologiques, émetteurs et gestionnaires de plateformes d’échanges de cryptoactifs)

Merci pour votre attention.

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Sous-gouverneur de la Banque de FranceDenis BEAU, Sous-gouverneur de la Banque de France
À quoi ressemblera la banque du XXIè siècle ?
  • Published on 07/19/2021
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