• Cette bonne performance reflète l’évolution favorable des revenus en 2019, qui ont progressé de 2 % sous l’effet de la poursuite de la progression des crédits à l’économie, de la bonne tenue des activités de marché et d’une collecte dynamique en assurance et gestion d’actifs ;

  • La maîtrise des frais de gestion, qui n’ont augmenté que de 1,1 %, a permis de réduire le coefficient d’exploitation pour la première fois depuis 2015 ;

  • Le coût du risque est resté limité en 2019 et, comme en 2017 et 2018, il représentait 0,11 % du total de bilan.

Les six grands groupes bancaires français ont par ailleurs poursuivi en 2019 le renforcement de leur structure financière :

  • À 14,4 % à fin 2019, leur ratio de solvabilité sur fonds propres de base « durs » (CET1) atteint un plus haut depuis 2008 avec une progression de 8,6 points de pourcentage (pts) et l’accumulation de plus de 200 milliards d’euros de fonds propres CET1 supplémentaires depuis cette date ; les six groupes respectaient les exigences minimales de solvabilité tenant compte notamment des différents « coussins » mis en place par la réglementation après la crise de 2008 (coussin de conservation (conservation capital buffer – CCB), coussins pour les institutions systémiques et coussin contracyclique (countercyclical capital buffer - CcyB)) ;

  • Les six grands groupes bancaire français respectaient d’ores et déjà les exigences en levier applicables à compter de juin 2021, y compris en tenant compte de la surcharge additionnelle concernant les banques d’importance systémique mondiale (globally systemic important banks - GSIBs), qui entrera en vigueur en janvier 2023 ;

  • Les 4 GSIBs françaises ont accru leur capacité d’absorption des pertes (total loss absorbing capacity - TLAC) qui se situe largement au-dessus des exigences en vigueur depuis le 1er janvier 2019 ;

  • Enfin, la liquidité des six grands groupes bancaires est solide et s’appuie sur des réserves d’actifs liquides et une proportion de financements stables conformes aux normes prudentielles en vigueur (liquidity coverage ratio - LCR) ou à venir (net stable funding ratio - NSFR, applicable à compter de juin 2021).

Au total, les banques françaises, qui indiquent dans leur communication financière avoir couvert de façon anticipée une partie de leurs besoins de financement pour l’année 2020, auront donc abordé la crise liée au Covid-19 avec une situation financière nettement confortée par rapport à ce qu’elle était en 2008. Ainsi, même si les résultats publiés par BNPP, SG, GCA et GBPCE au premier trimestre 2020 portent les premières marques de la crise, avec en particulier un coût du risque en forte hausse, elles continuent d’afficher des ratios de solvabilité et de liquidité très supérieurs aux exigences réglementaires.

En outre, grâce aux réformes réglementaires introduites au cours des dix dernières années, les superviseurs ont à leur disposition des outils facilitant l’absorption des chocs conjoncturels afin que ceux-ci ne se traduisent pas par une restriction du crédit au moment où les besoins de financement de l’économie s’accroissent.

Dès le début de la crise, tout en mettant en place un suivi rapproché de la situation prudentielle des établissements de crédit, les autorités de supervision ont en effet pris un ensemble de mesures exceptionnelles afin que les banques européennes puissent répondre immédiatement à l’accroissement des besoins de financement de l’économie induit par la situation de crise sanitaire, dans un contexte de montée des risques de crédit et d’incertitude forte impactant les marchés financiers.

D’une part, les outils contra-cycliques introduits dans le cadre des réformes post-crise financière de 2008 ont été actionnés afin que les réserves de capital et de liquidité puissent être utilisées si nécessaire :

  • Le 12 mars 2020, la BCE a annoncé des mesures d'ajustement des objectifs de fonds propres : les banques pourront opérer temporairement en-dessous du niveau de capital défini par les attentes de pilier 2 (Pillar 2 guidance - P2G) et utiliser le coussin de conservation (CCB). Les banques sont également autorisées à couvrir en partie les exigences de pilier 2 (P2R) par des instruments de capital de catégorie 1 additionnelle (AT1) ou de catégorie 2 (T2), en anticipation des dispositions de la 5ème Directive sur l’adéquation des fonds propres (Capital requirement directive V - CRDV), qui devaient entrer en vigueur à la fin de 2020.

  • Les banques ont également été autorisées à utiliser leurs réserves de liquidité, afin notamment de pouvoir répondre immédiatement aux besoins de financement supplémentaires de leur clientèle et aux demandes de report d’échéances de la part des entreprises, dans un contexte de marché où les possibilités de refinancement à moyen et long termes sont limitées, en dehors du recours aux facilités des banques centrales. Il est donc clairement attendu qu’elles puissent utiliser au cours des prochains mois la flexibilité offerte par le superviseur européen d’opérer avec un ratio de liquidité LCR inférieur au seuil de 100 % requis en temps normal.

  • Ces dispositions temporaires ont par ailleurs été renforcées par les mesures macroprudentielles décidées dans la plupart des pays européens : en France, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) a ainsi décidé de ramener le taux de CCyB à 0 % à compter du 2 avril 2020, ce qui a été rendu possible par les mesures de prévention qui avaient été prises au cours des derniers mois : le coussin de fonds propres contra-cyclique avait en effet commencé à être constitué afin de pouvoir être utilisé en période de retournement du cycle économique.

  • En complément, la suspension du versement des dividendes décidée par les six grands groupes bancaires français à la suite des recommandations de l’autorité de supervision unique européenne et de l’ACPR, apporte une marge de manœuvre supplémentaire.

D’autre part les autorités ont identifié les potentiels effets pro-cycliques non intentionnels des réglementations comptables et prudentielles susceptibles de se matérialiser à très court terme, compte tenu de l’impact généralisé des mesures d’arrêt de l’activité économique impactant une large part des emprunteurs. Afin d’écarter une application mécanique qui aurait un effet hautement pro-cyclique et non adapté à la situation de baisse brutale de l’activité économique consécutive à des décisions administratives, le Comité de Bâle, l’Autorité bancaire européenne (European banking authority - EBA) et la Banque centrale européenne (BCE) ont souligné dans une série de communications les flexibilités qu’il convenait d’utiliser dans l’application des règles comptables et prudentielles relatives aux créances restructurées et non performantes. Par une proposition législative publiée le 28 avril 2020, en ligne avec une modification apportée par le Comité de Bâle au standard international Bâle 3, la Commission européenne a en outre introduit dans la réglementation européenne une extension de la phase transitoire permettant d’étaler la prise en compte dans les fonds propres prudentiels des effets de l’application de la norme comptable IFRS9 relative au provisionnement des créances.

En parallèle, des nouvelles facilités ont été octroyées par les banques centrales afin de pallier les dysfonctionnements des marchés et maintenir la capacité de prêt du système bancaire ; les programmes de financement à plus long terme supplémentaires (LTRO et TLTRO de l’Eurosystème) et les lignes de swap FED-Eurosystème en dollars américain, ont permis de procurer de solides dispositifs de refinancement, permettant de prévenir rapidement tout risque de tension sur la gestion de liquidité des banques.

Ces différentes dispositions accroissent les marges de manœuvre financières dont les banques françaises disposaient à la fin de l’année 2019, et confortent leur rôle central dans le cadre des mesures de soutien à l’économie face à la crise sanitaire. Elles se sont ainsi engagées en mars 2020 à accorder des moratoires allant jusqu’à six mois sur les prêts existants à leur clientèle d’entreprises et de professionnels domiciliés en France qui en feraient la demande. Elles sont par ailleurs un rouage essentiel des mesures de soutien économique aux entreprises prises par les Pouvoirs publics français : ceux-ci ont débloqué une enveloppe de 300 milliards d’euros de garanties aux nouveaux prêts aux entreprises accordés jusqu’à la fin de l’année 2020 ; ces concours peuvent bénéficier d’une garantie de l’État à hauteur de 70 à 90 %, sous certaines conditions, notamment s’ils sont assortis d’un différé de remboursement d’un an. La reconnaissance prudentielle de cette garantie permettra de limiter les charges en capital à la part résiduelle du risque assumée par les établissements prêteurs.

Les marges de manœuvre financières accumulées par les banques françaises au cours des dernières années, confortées par l’ensemble des mesures prises en réponse au contexte exceptionnel de la crise sanitaire, doivent leur permettre d’assurer le financement de l’économie dans les meilleures conditions ; ces capacités de financement sont à la fois nécessaires afin de répondre aux difficultés ponctuelles de trésorerie des entreprises, et pour soutenir la reprise de l’activité après la fin des mesures de confinement, alors même que les effets de la crise sanitaire impacteront la solvabilité des emprunteurs. Les mesures d’ajustement des cibles de capital et de liquidité prises par les autorités de supervision s’accompagnent d’un suivi rapproché de la situation des établissements, et d’une évaluation régulière de leur capacité à absorber une forte montée des risques, notamment de crédit, dans l’hypothèse où elle surviendrait au cours des prochains mois.

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Updated on the 20th of January 2025