Dans le même temps l’indice INSEE des prix dans l’ancien a continué de progresser de 6,4 % en métropole, de manière uniforme entre la Province et l’Île-de-France, malgré le léger recul observé à Paris au quatrième trimestre (-0,1 %). Dans cet environnement, la production annuelle de crédits à l’habitat s’est élevée à 252,4 milliards en 2020, soit une hausse de 2,4 % par rapport à 2019 ; par ailleurs, si elle décélère légèrement depuis son pic de mai 2020, atteignant 242 milliards en mars 2021 sur 12 mois, la production de crédits reste très nettement au-dessus de sa moyenne annuelle depuis fin 2003 (156,7 milliards). Dans le même temps, les encours de crédits à l’habitat ont enregistré une croissance de 5,4 % sur l’année, tandis que les autres crédits aux particulier ont enregistré un repli de 0,5 %.

En dépit de fondamentaux qui restent sains, l’évolution des conditions d’emprunt immobilier des ménages en France demeure un sujet d’attention pour la stabilité financière.

Le modèle français d’octroi des crédits à l’habitat repose sur trois piliers :

  1. ces crédits sont presque exclusivement octroyés à taux fixe (99,4 % de la production en 2020 et 96,7 % de l’encours en fin d’année), limitant ainsi les risques liés à une éventuelle remontée des taux pour les ménages ;

  2. la quasi-totalité de l’encours (97,5 %) bénéficie d’une protection, notamment de type caution ou hypothèque, permettant de limiter les pertes pour les banques en cas de défaut d’un emprunteur;

  3. la politique d’octroi repose principalement sur l’appréciation de la solvabilité de l’emprunteur, mesurée notamment à travers le taux d’effort à l’octroi (debt service to income ou DSTI), et non sur la valeur de marché du bien financé, limitant ainsi les phénomènes d’amplification financière.

En 2020, la dynamique du crédit immobilier a contribué à la hausse de l’endettement des ménages : à la fin de l’année, celui-ci atteint 102 % du revenu disponible brut, un chiffre en hausse de 3,8 points de pourcentage (pts) et supérieur à la moyenne de la zone euro (97,5 % ; +2,4 pts). Le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) a émis une recommandation, le 20 décembre 2019, amendée le 28 janvier 2021, visant à limiter le taux d’effort à 35 % du revenu disponible avant impôt et la maturité des crédits immobiliers à 25 ans (auxquels peut s’ajouter une période maximale de 2 ans de différé d’amortissement dans des cas où la date d’entrée en jouissance du bien est décalée par rapport à la date d’octroi du crédit). Une marge de flexibilité pouvant aller jusqu’à 20 % de la production trimestrielle de nouveaux crédits permet aux établissements de déroger aux critères, dès lors qu’au moins 80 % de la flexibilité maximale est réservée aux acquéreurs de leur résidence principale avec au moins 30 % de la flexibilité maximale réservée aux primo-accédants (les 20 % restant de flexibilité maximale, soit 4 % de la production trimestrielle, étant libres d’utilisation).

Les données collectées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) permettent d’observer une normalisation progressive de la plupart des critères d’octroi sur la période courant de janvier 2020 à février 2021, sans constater de baisse du montant moyen du prêt :

  • le montant moyen du prêt s’établit à 181 029 euros en février 2021, soit une augmentation de 3,2 %, inférieure à celle des prix de l’immobilier ;

  • la part des nouveaux prêts dont la maturité dépasse 25 ans a reculé de 4,4 pts à 8,3 %, tandis que la durée moyenne a légèrement reculé à 21,5 ans (-1,4 mois) ;

  • la part des nouveaux prêts dont le taux d’effort excède 35 % a baissé de 8,5 pts à 23,5 %, tandis que le taux d’effort moyen a reculé de 0,8 pt à 30,1 % ;

  • le taux d’endettement moyen a légèrement reculé de 1,1 mois à 5 ans ;

  • enfin, le rapport entre le montant des prêts et la valeur des biens financés à l’octroi (loan to value ou LTV) a reculé de 2,7 pts à 82,7 %. Par ailleurs, la part des LTV supérieures à 100 % a reculé de 7,2 pts à 24,2 %.

La normalisation progressive des critères de maturité et de taux d’effort a permis un recul du taux de prêts non conformes à la recommandation n° R-2021-1, qui au 1er trimestre de 2021 s’élève à 28,8 % avant la prise en compte de la marge de flexibilité de 20 % prévue par la recommandation ; la tendance se poursuit sur le second trimestre de 2021, le taux de prêts non conformes atteignant 25,3 % en avril 2021 et 23,6 % en mai. La plupart des établissements ont, au niveau consolidé, une production non conforme à la recommandation inférieure ou égale à la marge de flexibilité de 20 %, tandis que le respect du ciblage (part des résidences principales et des primo-accédants) progresse également. Sur la base des chiffres d’avril et mai, la tendance à la baisse des prêts non conformes se poursuit.

Au total, les risques demeurent contenus, comme en témoigne la faible sinistralité des crédits, tant en termes de stock (le taux d’encours douteux, de 1,06 % au 31 décembre 2020, est en baisse de 14 points de base (bps) par rapport à 2019) qu’en termes de flux (les passages en défaut sur 12 mois ont représenté 0,42 % de l’encours au premier trimestre 2021, un plus bas depuis mi-2015). Le coût du risque reste quant à lui négligeable, à 0,7 bps en 2020. Cette sinistralité réduite se reflète dans les taux de pondération faibles, qui continuent de baisser (-0,7 pt sur 12 mois à 10,3 % en juin 2020), mais qui restent dans la norme des pays couverts par l’exercice de transparence de l’Autorité bancaire européenne (European Banking Authority - EBA), en particulier lorsqu’on tient compte de la couverture des risques par les organismes de caution. Par ailleurs, l’ACPR a conduit au début de cette année un nouvel exercice de « stress-test » des principaux organismes de caution de crédits à l’habitat en France, après celui mené en 2018, qui reposait sur les mêmes scénarios et la même méthodologie que l’exercice auquel a procédé l’EBA en 2021 ; à l’issu de cet exercice, il ressort que les organismes de caution seraient tous capables de supporter un choc macroéconomique très important sur le marché de l’immobilier résidentiel tout en continuant de couvrir les pertes des banques.

Enfin, le HCSF avait également souhaité attirer l’attention des établissements de crédit sur l’importance d’une tarification du crédit immobilier qui ne fragilise pas le modèle français de financement de l’habitat. L’exploitation du nouvel état « RENT_IMMO », mis en place par l’instruction ACPR n°2020-I-04, fait apparaître une hausse des marges entre le premier trimestre de 2020 et le premier trimestre de 2021, qui provient essentiellement de la baisse des taux de cession interne (TCI). Malgré l’hétérogénéité des modes de calcul, le recul des TCI reflète l’amélioration des conditions de marché, et notamment la baisse des taux de swap contre Euribor, consécutives aux mesures de politique monétaire mises en œuvre par la Banque centrale européenne à partir du printemps 2020.

En dépit de risques qui demeurent contenus, l’ACPR et la Banque de France restent particulièrement vigilantes quant à l’impact de la crise sanitaire sur la sinistralité des prêts à l’habitat, ainsi que celui de la remontée récente des taux longs sur la rentabilité de ces prêts. Le suivi de l’évolution des critères d’octroi sera par ailleurs renforcé dans le cadre de la transformation de la recommandation du HCSF en norme contraignante d’ici la fin de l’été.

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Updated on the 9th of January 2025