Projections macroéconomiques

Projections macroéconomiques – Décembre 2024

Mise en ligne le 16 Décembre 2024
Auteurs : Pierre Aldama, Julien André, Kéa Baret, Antoine Berthou, Vladimir Borgy, Alice Carroy, Marion Cochard, Mélanie Coueffé, Laurence Coursieras, Corentin Deredec, Bruno Ducoudré, Niamh Dunne, Guillaume Gaulier, Lionel Giuliani, Caroline Jardet, Edouard Jousselin, Yannick Kalantzis, Matthieu Lemoine, Circé Maillet, Raphaël Martin, Frulgence Noumagnon, David Sabes, Juliette Sagot, Camille Thubin, Youssef Ulgazi

Afin d’apporter une contribution aux débats économiques nationaux et européens, la Banque de France diffuse périodiquement des projections macroéconomiques relatives à la France, effectuées dans le cadre de l’Eurosystème, et portant sur l’année en cours et les deux suivantes. Certaines sont suivies d’une analyse plus détaillée, avec des coups de projecteur sur certaines thématiques.

  • Nos nouvelles projections macroéconomiques ont été finalisées dans un contexte national et international d’incertitudes accrues. Cette projection a été arrêtée le 27 novembre, soit avant la motion de censure, avec des hypothèses de finances publiques proches du projet de loi de finances conduisant à une réduction sensible du déficit public à 5 % du PIB en 2025. Une moindre consolidation budgétaire n’entraînerait pas pour autant un surplus de croissance, car l’effet négatif de l’incertitude accrue sur la demande des ménages et des entreprises jouerait en sens opposé.
     
  • Notre scénario de référence demeure celui d’une sortie de l’inflation sans récession, avec une reprise décalée à 2026 et 2027 par rapport à nos précédentes projections. L’activité progresserait en 2024 à hauteur de 1,1 %, tirée principalement par le commerce extérieur. La croissance resterait positive en 2025 mais diminuerait un peu. Conjointement à la reprise attendue de la demande chez nos partenaires européens, elle serait ensuite plus dynamique en 2026 et 2027, sous l’effet notamment d’une moindre inflation, et du desserrement réalisé de la politique monétaire.
     
  • En 2024, l’inflation totale a reculé sensiblement et devrait retomber en moyenne annuelle à 2,4 %. Sur l’horizon de prévision, l’inflation s’inscrirait durablement en dessous de 2 %. Le ralentissement des prix serait favorisé par celui des prix de l’alimentation, de l’énergie et des biens manufacturés, tandis que l’inflation dans les services baisserait plus lentement, expliquant un recul plus progressif de l’inflation sous-jacente vers 2%.
     
  • Comme anticipé, le marché du travail commence à entrer dans une phase transitoire de ralentissement, concentrée sur l’année 2025. Le taux de chômage atteindrait un pic inférieur à 8 % en 2025 et en 2026, avant de repartir à la baisse dans le sillage de la reprise de l’activité.
     
  • Aux incertitudes internes s’ajoutent les aléas géopolitiques toujours élevés et désormais aussi ceux qui pèsent sur le commerce international. Notre scénario de référence ne prend pas en compte le risque de tensions commerciales en cas de hausse des droits de douane aux États-Unis, dont les effets sont difficiles à chiffrer (cf. encadré). Globalement, les risques par rapport à notre projection sont orientés à la baisse pour la croissance, ainsi que dans une moindre mesure pour l’inflation.
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Points clé de la projection France en moyenne annuelle

 

Projections macroéconomique 2024-2027 – Décembre 2024

Projections macroéconomique 2024-2027 – Décembre 2024

La croissance resterait positive en 2025 mais diminuerait un peu, avant de gagner en vigueur en 2026 

Cette projection, arrêtée le 27 novembre 2024, intègre la première estimation des comptes nationaux du troisième trimestre 2024 publiée le 30 octobre et l’estimation définitive de l’inflation IPCH (indice des prix à la consommation harmonisé) du mois d’octobre, publiée le 15 novembre. Elle se fonde sur les hypothèses techniques de l’Eurosystème arrêtées au 20 novembre 2024. Elle ne prend pas en compte les résultats détaillés du troisième trimestre 2024, mais ces derniers sont dans l’ensemble conformes à nos prévisions, avec notamment un acquis de croissance à l’issue du troisième trimestre qui demeure inchangé à 1,1 %. Par ailleurs, notre scénario international intègre une politique budgétaire aux États-Unis plus expansionniste à la suite du résultat des élections américaines mais ne prend pas en compte l’impact de mesures tarifaires qui demeurent incertaines à ce stade.

Enfin et surtout, nos hypothèses budgétaires pour 2025 s’appuient sur le projet de loi de finances (PLF) initial du gouvernement présenté en Conseil des ministres le 10 octobre. Toutefois, nos projections demeurent compatibles avec des hypothèses alternatives conduisant à un déficit plus prononcé en 2025, compris par hypothèse de travail entre 5 % et 5 ½ % du PIB (cf. section sur les finances publiques infra). L’incertitude accrue liée à la situation budgétaire compenserait en effet le caractère plus limité de la restriction budgétaire.

D’après la dernière enquête de conjoncture de la Banque de France établie à début décembre, l’activité serait stable au quatrième trimestre, sous l’effet d’un contrecoup négatif des Jeux olympiques et paralympiques sur l’activité, après leur impact positif sur la croissance au troisième trimestre 2024. La croissance atteindrait ainsi 1,1 % sur l’ensemble de l’année. Elle serait surtout tirée par le commerce extérieur (cf. graphique 2), mais freinée par des phénomènes de déstockage. En dépit des gains de pouvoir d’achat des revenus salariaux, la consommation progresserait modérément en 2024, pénalisée par le maintien du taux d’épargne à un niveau de près de 3 points supérieur à son niveau pré-Covid. L’investissement des entreprises et des ménages pèserait négativement sur l’activité, sous l’effet retardé de la dégradation passée des conditions de financement, dans un contexte d’incertitude qui renforce les comportements attentistes des agents privés.

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Graphique 1 : Croissance du PIB réel, en comparaison de la prévision de septembre
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Graphique 2 : Contributions à la croissance du PIB réel

En 2025, l’économie française continuerait de croître à un rythme assez faible, de l’ordre d’un quart de point par trimestre, soit 0,9 % en moyenne annuelle. La demande intérieure serait en effet affectée non seulement par les mesures de consolidation budgétaire, mais aussi par le contexte d’incertitude qui les entoure. De ce fait, la consommation des ménages accélérerait seulement modérément après avoir connu une croissance atone en 2024. La contribution de l’investissement privé resterait négative, mais nettement moins qu’en 2024. La contribution du commerce extérieur à la croissance serait toujours positive, mais moindre qu’en 2024 en raison d’une normalisation des importations après une période de recul marqué.

En 2026, la croissance annuelle rebondirait à 1,3 %, favorisée par la détente des conditions financières. Cette détente permettrait à l’investissement privé de contribuer de nouveau positivement à la croissance. La consommation des ménages progresserait à un rythme plus soutenu qu’en 2025, stimulée par une baisse un peu plus marquée du taux d’épargne. En 2027, la croissance annuelle serait proche de celle de 2026, mais le rythme trimestriel de croissance se normaliserait en cours d’année pour se rapprocher du rythme de croissance potentielle, avec une progression du PIB sur un an de 1,2 % fin 2027, contre 1,4 % fin 2026.

Par rapport à notre précédente projection de septembre, la reprise serait décalée de 2025 à 2026 (cf. graphique 1 supra). La croissance du PIB est inchangée pour 2024, mais plus faible en 2025 et 2026.

L’inflation totale s’inscrirait durablement sous le seuil des 2 %, tandis que l’inflation hors énergie et alimentation reculerait plus progressivement

Selon l’estimation provisoire d’Eurostat pour le mois de novembre 2024, l’inflation IPCH s’établirait à 1,7 % en glissement annuel, en hausse par rapport au mois d’octobre 2024 (1,6 %). De son côté, l’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) se situerait à 2,2 % en glissement annuel au mois de novembre 2024, après 2,1 % en octobre 2024. Les Jeux olympiques et paralympiques ont eu un effet haussier sur l’inflation dans certains sous-secteurs des services, mais ce dernier est resté transitoire, concentré essentiellement sur le mois d’août 2024, et n’a pas remis en cause la dynamique d’ensemble baissière de l’inflation. L’inflation devrait toutefois progresser légèrement et temporairement sur le reste de l’année, en lien avec des effets de base sur les prix de l’énergie et des services.

Sur l’ensemble de l’année 2024, l’inflation totale diminuerait ainsi nettement, passant de 3,0 % en glissement annuel au premier trimestre à 1,9 % au quatrième trimestre. Cette diminution proviendrait essentiellement de la dynamique baissière des prix des biens alimentaires et énergétiques. De son côté, l’inflation sous-jacente serait plus persistante et s’établirait encore à 2,3 % au dernier trimestre 2024 (elle était à 2,5 % au premier trimestre). Les prix des services ralentiraient en effet de manière plus progressive. Les prix des biens industriels pourraient également se raffermir en toute fin d’année sous l’effet des tensions géopolitiques en mer Rouge et des hausses de prix du fret maritime. Par rapport à nos projections intermédiaires de septembre 2024, l’inflation totale est révisée à la baisse sous l’effet d’un prix du pétrole moins élevé qu’anticipé par les marchés à terme et des surprises baissières sur l’inflation des produits manufacturés et des services, avec notamment une forte baisse du prix des services de communication.

En 2025, l’inflation diminuerait de nouveau pour s’établir à 1,6 % en moyenne annuelle, après 2,4 % en 2024. Ce recul s’expliquerait en particulier par une inflation négative des prix de l’énergie (baisse des tarifs réglementés de vente de l’électricité en début d’année, prix du baril à 68 euros selon les hypothèses techniques tirées des marchés à terme, contre 76 euros en 2024). Cette projection tient compte des mesures fiscales et sociales prévues initialement dans les projets de loi, telles que la hausse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) au-delà de son niveau antérieur à la mise en place du bouclier tarifaire, la hausse du ticket modérateur ainsi que de la taxe sur les billets d’avion. Si ces mesures n’étaient finalement pas appliquées (notamment si la TICFE n’augmentait pas au-dessus de son niveau antérieur à la mise en place du bouclier tarifaire), l’inflation en 2025 serait inférieure de 0,2 point environ à notre projection. L’inflation hors énergie et alimentation poursuivrait sa décrue à 2,2 %, après 2,4 % en 2024, du fait du recul progressif tout au long de l’année de l’inflation des services permis par la normalisation du rythme d’évolution des salaires.

En 2026, l’inflation totale et l’inflation hors énergie et alimentation s’établiraient respectivement à 1,7 % et 1,9 %, sans révision par rapport à nos projections intermédiaires de septembre 2024. La légère progression de l’inflation en 2026 proviendrait d’une moindre baisse des prix de l’énergie et d’une légère accélération des prix de l’alimentation en lien avec nos hypothèses techniques sur les matières premières alimentaires, tandis que l’inflation hors énergie et alimentation poursuivrait sa lente décrue. Enfin, en 2027, l’inflation totale se situerait à 1,9 %, et l’inflation hors énergie et alimentation à 1,8 %. Les prix des services continueraient à ralentir tout au long de l’année. À l’inverse, les prix de l’énergie accéléreraient temporairement en raison de l’extension à d’autres secteurs émetteurs du marché des permis d’émission de CO2. Cet impact, encore incertain, dépendra des modalités de sa mise en œuvre et pourra être limité par des mesures compensatoires.

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Graphique 3 : IPCH et IPCH hors énergie et alimentation
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Graphique 4 : Décomposition de l'ICPH

Des hausses de salaires nominaux supérieures à l’inflation

Le salaire mensuel de base (SMB), qui exclut les primes et les heures supplémentaires, a vu son rythme de croissance diminuer sous l’effet de revalorisations moins fréquentes du Smic et des hausses de salaires négociés moins importantes dans les accords de branche et d’entreprise. Ainsi, selon l’indicateur de la Banque de France calculé à partir des hausses des grilles salariales de plus de 350 branches, les salaires négociés progresseraient de 2,7 % en glissement annuel au troisième trimestre 2024, contre 4,8 % un an auparavant. Par ailleurs, les versements de primes de partage de la valeur (PPV) ont également diminué, de sorte que la hausse du salaire moyen par tête de fin 2023 à la mi-2024 a été inférieure à celle du SMB. 

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Graphique 5 : Croissance du salaire moyen par tête dans le secteur et inflation

Le salaire moyen par tête a ainsi commencé à ralentir dans les branches marchandes à partir du second semestre 2023. Toutefois, les salaires par tête augmentent plus rapidement que les prix depuis le deuxième trimestre 2024, une tendance qui se poursuivrait en prévision (cf. graphique 5). Par rapport à nos projections de septembre, la décrue plus forte qu’anticipé de l’inflation au second semestre 2024 conduit à réviser à la hausse la progression du salaire réel pour l’année en cours. En 2025-2026, la progression des salaires nominaux se maintiendrait malgré le recul de l’inflation, sous l’effet des gains de productivité induits par la résorption partielle des pertes de productivité temporaires observées par rapport à la tendance pré-Covid. Les salaires réels sont toutefois révisés à la baisse sur ces deux années par rapport à notre projection de septembre, dans un contexte de décalage de la reprise et de hausse plus prononcée du taux de chômage. En 2027, la progression des salaires nominaux convergerait vers un glissement annuel proche de 2,7 %, en cohérence avec les prévisions d’inflation et de gains de productivité. 

Le taux de chômage progresserait de façon temporaire en 2025 et 2026, avant de redescendre en 2027

Selon les derniers indicateurs conjoncturels, le marché du travail montre des signes de fléchissement, après avoir été étonnamment dynamique depuis la pandémie (1,1 million de créations nettes d’emplois depuis fin 2019). La dernière estimation de l’emploi salarié de l’Insee indique seulement une légère progression de 27 000 emplois sur trois mois de l’emploi salarié privé à fin septembre, après un recul de – 32 900 emplois au trimestre précédent. Les enquêtes de conjoncture vont également dans le sens d’un moindre dynamisme de l’emploi. Selon nos projections, l’emploi total se replierait ainsi à partir du quatrième trimestre 2024 et jusqu’à début 2026. Il serait affecté avec retard par le ralentissement de l’activité et par le rétablissement partiel des pertes de productivité observées depuis la période Covid. La productivité dans le secteur marchand a en effet connu des pertes importantes par rapport à sa tendance pré-Covid (cf. Devulder et al., 2024, Bulletin de la Banque de France). Sur l’horizon de prévision, la fin progressive des phénomènes de rétention de main-d’œuvre observés dans certains secteurs, comme celui des matériels de transport, contribuerait à un rebond des gains de productivité. Cependant, la plus grosse partie des pertes de productivité s’expliquant par des facteurs plus durables (augmentation passée des contrats d’apprentissage et autres effets de composition de la main-d’œuvre), ce rattrapage ne serait que partiel. En écart à nos projections de septembre, l’emploi est révisé à la baisse, du fait principalement d’une moindre activité dans les branches marchandes.

Notre projection d’emploi tient compte des mesures de diminution de la prime à l’apprentissage et de la baisse des exonérations de cotisations sociales prévues par les textes budgétaires initiaux. En l’absence de ces mesures, l’emploi pourrait être plus dynamique que dans notre scénario de référence sur l’ensemble de l’horizon de prévision.

Étant donné les nouvelles trajectoires d’emploi que nous inscrivons en prévision, le taux de chômage est révisé à la hausse par rapport à notre publication de septembre (cf. graphique 6). Il atteindrait un niveau de 7,8 % en moyenne annuelle en 2025 et en 2026, avant de repartir à la baisse pour s’établir à 7,4 % en 2027, en raison d’une reprise plus franche de l’activité d’une part. D’autre part, le cycle de productivité serait refermé à cet horizon et cesserait donc de peser sur l’emploi. 

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Graphique 6 : Taux de chômage

La consommation des ménages redeviendrait le principal moteur de la croissance à partir de 2025, 
soutenue par les gains de pouvoir d’achat de la masse salariale

Sur la base de nos projections d’inflation, de salaire par tête et d’emploi, le pouvoir d’achat de la masse salariale progresserait de manière continue sur notre horizon de prévision mais sa composition évoluerait (cf. graphique 7 infra). En 2024, il progresserait de 0,7 % et serait tiré conjointement par l’emploi salarié ainsi que par la progression des salaires réels par tête. En 2025, il évoluerait à un rythme légèrement supérieur avec une croissance de 0,9 %, porté par l’accélération des salaires réels et malgré un tassement de l’emploi. Il accélérerait ensuite en 2026 et en 2027 grâce à la reprise de l’emploi dans le sillage de l’activité.

À court terme, la progression de la consommation des ménages resterait assez limitée, avec une croissance de 0,8 % en 2024 puis de 0,9 % en 2025. Elle retrouverait ensuite un peu de dynamisme à moyen terme, avec une croissance de 1,1 % en 2026 comme en 2027, grâce aux gains de pouvoir d’achat de la masse salariale, sous réserve que l’incertitude actuelle s’estompe et n’incite plus à des comportements d’épargne de précaution.

En miroir de cette reprise de la consommation, le taux d’épargne entamerait une décrue mais resterait en 2027 à un niveau encore supérieur à sa moyenne historique pré-Covid (cf. graphique 8 infra). Cette décrue du taux d’épargne sur l’horizon de prévision s’expliquerait en partie par un mouvement inverse à celui qui a été observé sur les derniers trimestres au moment où les revenus du patrimoine contribuaient fortement à la hausse du revenu des ménages du fait de la hausse des revenus nets d’intérêt. En effet, les revenus du patrimoine ont une propension plus forte à être épargnés, ce qui a pu contribuer en 2023-2024 à faire augmenter le taux d’épargne des ménages (cf. encadré 1). Par le mécanisme inverse, le repli attendu des revenus d’intérêt, conjugué aux gains de pouvoir d’achat accrus de la masse salariale, devrait entraîner une baisse du taux d’épargne à partir de 2025.

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Graphique 7 : Contributions aux gains du pouvoir d'achat de la masse salariale
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Graphique 8 : Taux d'épargne des ménages

L’investissement des ménages s’est fortement contracté en 2023 et poursuivrait son recul en 2024. Cependant, un certain nombre d’indicateurs signalent un redressement à venir. D’abord, le pouvoir d'achat immobilier des ménages s’est légèrement redressé grâce à la détente des taux d’intérêt et des prix immobiliers. Ensuite, la production de crédits aux ménages a redémarré depuis avril 2024, signalant une reprise des transactions dans l’ancien et un redressement de l’investissement des ménages dans les services liés à l’immobilier, même si cette reprise se heurte encore à un certain attentisme du marché. Enfin, les permis de construire semblent s’être stabilisés après une longue période de baisse. Sous réserve que cette dynamique se poursuive et se transmette aux mises en chantier, le redressement dans le logement neuf interviendrait à partir du milieu de l’année 2025. L’investissement des ménages rebondirait alors plus nettement en 2026 et en 2027, quand les effets de l’assouplissement des conditions monétaires et financières seront complets et que le pouvoir d’achat immobilier des ménages se sera suffisamment redressé.

L’investissement des entreprises continuerait de marquer le pas jusqu’en 2025, avant de repartir en 2026-2027

L’investissement des entreprises resterait pénalisé en 2024 par le coût de financement et les conditions d’octroi du crédit bancaire (cf. graphique 9 infra). Toutefois, les taux d’intérêt bancaires aux entreprises ont commencé à baisser et la dernière enquête sur la distribution du crédit bancaire indique que les conditions d’offre de crédit s’améliorent et que la demande repart. Au total, la croissance de l’investissement des entreprises, pénalisé notamment par l’incertitude fiscale et budgétaire, resterait atone jusqu’à fin 2025. Il regagnerait en vigueur les deux années suivantes, soutenu par les besoins tendanciels d’investissement dans les transitions numérique et énergétique, comme en témoigne par exemple la confirmation récente des projets de « gigafactories » de batteries électriques. La reprise de l’investissement serait également soutenue par celle de l’activité et par le maintien des marges des entreprises à un niveau relativement élevé.

Après avoir connu un pic à 32,4 % au troisième trimestre 2024 du fait des contributions des branches énergétiques et des services de transport à sa progression dans le secteur marchand, le taux de marge des sociétés non financières connaîtrait un contrecoup en fin d’année. Par la suite, le redressement des gains de productivité associé au ralentissement des salaires permettrait une reconstitution des marges jusqu’à la fin de notre horizon de prévision (cf. graphique 10 infra). Il faut toutefois noter que l’indicateur de taux de marge ne décrit que partiellement la situation financière des entreprises.

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Graphique 9 : Croissance de l'investissement des entreprises
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Graphique 10 : Taux de marge des sociétés non financières

Par hypothèse de travail, le déficit 2025 pourrait se situer entre 5 % et 5 ½ % du PIB, après 6,1 % en 2024

En 2024, le solde public devrait atteindre – 6,1 % du PIB, après – 5,5 % en 2023. Cette nouvelle dégradation de la situation budgétaire résulterait à la fois de prélèvements obligatoires moins dynamiques que le PIB, du fait notamment de la composition de la croissance (tirée par les exportations et la consommation publique), de dépenses primaires (hors crédit d’impôt) plus dynamiques que le PIB et d’une hausse de la charge d’intérêts en points de PIB.

Notre projection a été arrêtée le 27 novembre, avec des hypothèses de finances publiques proches du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 présenté le 10 octobre et conduisant à une réduction sensible du déficit public à 5,0 % du PIB en 2025 dans notre scénario de référence. Ces projets ne seront pas mis en œuvre à la suite du vote de la motion de censure du 4 décembre 2024. De ce fait, une hypothèse alternative de transition est celle du vote de la loi spéciale autorisant l’État de pouvoir continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote d’une nouvelle loi de finances pour l’année 2025. Le vote de cette loi spéciale permettrait également d’ouvrir par décret les crédits applicables aux services votés, c’est-à-dire indispensables à l’exécution des services publics. Ces crédits ne peuvent excéder le montant des crédits ouverts par la loi de finances initiale de l’année en cours.

Du côté des recettes, l’adoption de cette loi spéciale impliquerait le retrait des mesures en prélèvement obligatoire prévues dans le PLF (1 point de PIB). En revanche, le gel en valeur du barème de l’impôt sur les revenus des personnes physiques (IRPP) à son niveau de 2024 équivaudrait à une hausse d’impôt sur les revenus en 2025 permettant environ 4 milliards d’euros de nouvelles recettes pour l’État. Au total, l’adoption de la loi spéciale induirait une perte de recettes d’un peu moins de 1 % du PIB par rapport à notre scénario de référence.

Du côté des dépenses, le gel en niveau des dépenses des administrations centrales à leur niveau de 2024 pourrait conduire à une consolidation proche de celle intégrée dans notre scénario de référence malgré l’abandon des mesures en dépenses prévues dans le PLF.

En conséquence, l’adoption de la loi spéciale conduirait à une révision sensible à la hausse du déficit public en 2025. Toutefois, une nouvelle loi de finances pour 2025 devrait être adoptée ultérieurement, actualisant les hypothèses de finances publiques et réduisant autant que possible ce ratio de déficit. C’est pourquoi nous avons retenu par hypothèse de travail une fourchette de déficit comprise entre 5 % et 5 ½ %. Cela ne modifierait pas notre scénario de croissance pour 2025, dans la mesure où l’effet sur la demande d’un moindre resserrement budgétaire que dans le projet initial de loi de finances serait compensé par celui d’une moindre réduction de l’incertitude sur les perspectives de finances publiques. 

Au-delà de 2025, la trajectoire du solde dépendra du déficit effectivement exécuté en 2025. Les hypothèses budgétaires retenues initialement impliquaient un ajustement structurel primaire de 0,4 point de PIB potentiel en 2026 et 2027, inférieur à celui du programme structurel de moyen terme (0,6 point en 2026 et 0,7 point en 2027) fondé sur des économies encore peu détaillées et donc non intégrées à cette projection. Cet ajustement pourrait être revu à la hausse du fait de la moindre consolidation réalisée en 2025.

Dans notre scénario de référence, le ratio de dette sur PIB augmenterait sur tout l’horizon de prévision et s’élèverait à 117 points en 2027 (cf. graphique 11). En comparaison, ce ratio pour l’Eurosystème s’établirait à 89 points de dette sur PIB en 2027. Le redressement budgétaire est nécessaire pour maîtriser la dette publique. Il faut en effet rappeler que, toutes choses égales par ailleurs, c’est l’équilibre primaire – hors charges d’intérêt – qui permet de stabiliser le ratio dette/PIB. Pour la France, cet équilibre primaire correspondrait à un déficit total ramené à 3 % du PIB en 2029. 

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Graphique 11 : Dette publique en France et en zone euro

Les risques sont globalement orientés à la baisse par rapport à nos projections de croissance et – dans une moindre mesure – d’inflation

Plus encore que dans nos projections précédentes, le contexte politique national – et donc budgétaire – est très incertain. De ce fait, les aléas sont orientés à la baisse sur la croissance française, avec le risque de comportements plus attentistes des consommateurs et des investisseurs. L’inflation pourrait quant à elle être un peu inférieure à notre prévision en 2025 si les majorations de fiscalité indirecte (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, taxe sur les billets d’avion) initialement prévues dans le PLF n’étaient pas réintroduites dans une future loi de finances. À plus long terme, un affaiblissement plus marqué que prévu du marché du travail pèserait davantage sur les hausses de salaires et in fine sur l’inflation.

À ces aléas internes s’ajoutent les risques géopolitiques. La guerre en Ukraine, la situation au Proche-Orient ou en mer Rouge constituent toujours des foyers d’instabilité pouvant aggraver les pressions sur les prix du pétrole et du gaz et les coûts du transport maritime, induisant un aléa à la hausse sur l’inflation et à la baisse sur l’activité. En revanche, une hausse de la production américaine d’hydrocarbures pèserait sur les prix de l’énergie et induirait un aléa à la baisse sur l’inflation et à la hausse sur l’activité. Enfin, toujours au niveau international, un net relèvement des droits de douane aux États-Unis, qui pourrait en outre déboucher sur des tensions commerciales généralisées, pèserait vraisemblablement négativement sur l’activité en Europe et en France en particulier. Les effets sur l’inflation européenne et française seraient en revanche plus ambivalents (cf. encadré 2).
 

Encadrés

Annexes

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Mise à jour le 3 Janvier 2025